Deux mois avant, nous apprenons que la déclaration finale de la COP21, du 30 novembre au 11 décembre, ne devrait compter qu’une vingtaine de pages, soumises à la signature de 145 représentants gouvernementaux, sur les 195 délégations présentes. Tout est donc déjà écrit ?… Le but d’un tel événement politique serait-il autre que la préservation du climat par les Etats ? La société civile serait elle la première cible d’une telle mise en scène, d’une telle débauche de médias, pour construire un consensus sociétal autour d’une consommation différente et d’une préoccupation écologique, malgré un coût plus élevé.

Cette préoccupation des Etats pour les modifications climatiques catastrophiques annoncées est plutôt étonnante, quand la liste des conséquences désastreuses de l’activité humaine sur l’environnement s’allonge régulièrement : biodiversité menacée, manipulations génétiques du vivant de plus en plus aléatoires et disséminées, pollutions diverses de l’atmosphère, de régions ou d’océans entiers (Fukushima), transformation irréversible de territoires gigantesques (Amazonie), etc.

En 1987, le protocole de Montréal avait pu préserver la couche d’ozone en partie et pour un moment, en supprimant la production des gaz polluants, très spécifiques. Aujourd’hui la volonté de s’attaquer au réchauffement climatique est beaucoup plus contraignante. L’utilisation de combustibles fossiles est générale pour les activités humaines (chauffage, déplacement, industrie, alimentation,…). De plus les deux états responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre, les USA et la Chine, disposant de charbon peu couteux, ne veulent pas brider leurs économies avant 2030 pour modifier leurs productions énergétiques. Ce ne pourra donc être qu’un processus long, obligeant le capitalisme à s’auto-corriger en optant pour des solutions techniques moins immédiatement rentables et concurrentielles. Mais cette modification de la consommation énergétique ( énergies renouvelables, innovation technologique, consommation différente) émanciperait les économies des états les plus anciennement industrialisés de leur dépendance aux énergies fossiles, de plus en plus rares et chères à priori. On peut donc supposer que le bénéfice recherché à long terme est plus pragmatique et comptable que la seule préservation du climat.

Bien sûr, il y a une autre solution pour éviter le réchauffement climatique mais il implique une véritable révolution, une « décroissance » (1) et la fin du travail productiviste imposé. Par exemple, relocaliser et déconcentrer les productions, alimentaires ou industrielles, pour éliminer le transport qui concerne les objets les plus anodins (2), mais aussi en premier lieu les personnes les produisant. Cette déconstruction des flux économiques redonnerait aux anciens pays colonisés un contrôle sur leur avenir, avec une économie autocentrée, battant en brèche toute l’organisation géopolitique des derniers siècles… Bien sûr il faudrait alors que l’utilité sociale de la production prime sur la rentabilité financière. C’est tout le contraire qui se passe : les délocalisations industrielles continuent globalement, le phénomène de métropolisation et de concentration urbaine des services et des richesses s’intensifie,…

Le capitalisme compte bien faire une affaire juteuse de cette préservation du climat, avec tous les nouveaux crénaux qui s’ouvrent, de la bagnole électrique aux « villes intelligentes », mais il lui faut une adhésion des populations millimétrée. Il lui faut un mouvement d’opinion, pas un mouvement de luttes. Il ne faudrait pas que les projets irrationnels d’infrastructures comme les autoroutes, aéroports, lignes à grande vitesse, soient les victimes collatérales de cette préservation du climat, mobilisant les populations contre les multinationales du béton et les politiciens locaux en quête de promotion de leurs fiefs. La COP 21 prend là toute sa valeur : elle offrira une place de choix aux ONGs et associations diverses qui occupent le créneau de l’écologie en tant qu’experts et autres lanceurs d’alerte, pour mobiliser l’opinion et les bonnes volontés derrière elles. La COP 21 vise l’opinion des populations ayant encore un volant économique, avec l’encadrement des ONGs spécialisées, pour lancer un nouveau mode de consommation et non pas un arrêt des « affaires » ; C’est bien pour cela que dans un même mouvement contradictoire, le gouvernement Valls promet de construire un aéroport surnuméraire (mais HQE) à Notre Dame des Landes contre l’avis de la population bretonne gavée de lisiers, de marées noires et autres sous-marins nucléaires, tout en organisant cette conférence mondiale à Paris.

Nous pensons au contraire que cette COP 21 doit être un moment privilégié d’apparition et de rencontre des luttes et des résistances (3), contre un spectacle pacifié et codifié de notables planétaires, de multinationales de l’opinion (4) et de médias consensuelles et obséquieuses. Les graves problèmes environnementaux doivent être réglés par l’élimination, ou au pire la neutralisation, des causes qui sont à l’origine, et non par la fuite en avant actuelle à laquelle nous assistons, avec leurs bagnoles électriques – rechargées à l’électricité d’origine nucléaire et dont nous ne saurons pas quoi faire des déchets !- ou leurs champs gigantesques d’éoliennes – aux retombées sous-estimées- et autres objets « intelligents » ou métropoles « connectées ».

Nantes, le 06/10/15

  1. cf un livre comme « Travailler deux heures par jour » du collectif Adret – Le Seuil – 77.

  2. les composants d’un simple pot de yaourt – lait, ferments, fruits, plastique, capsule – parcourent en moyenne un total de 9000 kms avant d’arriver sur la table.

  3. Et notamment les différents cortèges tracto-vélos qui s’élanceront de Notre-Dame-des-Landes, de Roybon, de Bure, pour converger vers le plateau de Saclay au sud de Paris, pour dénoncer les grands projets inutiles imposés, et participer le 29 novembre à la grande manifestation parisienne.

  4. Nous pensons en premier à Greenpeace, dont la professionnalisation et la hiérarchie interne illustrent la capacité du système capitaliste à intégrer et récupérer dans une logique de pouvoir, de gestion et de rentabilité, les initiatives les plus désintéressées à l’origine.