Pourtant, je suis repartie en colère et pleine de rage. J’aurais aimé passer plus de temps à échanger sur les enjeux de la lutte contre le nucléaire et les grands projets inutiles comme un point de résistance au capitalisme mais au final devant la violence, mon énergie s’est concentrée à la lutte contre le sexisme et l’hétéropatriarcat. Mais comment parler de lutte contre un système dominant quand les femmes, les lesbiennes, les gays, les bis, les trans, les queers, les intersexes, les personnes racisées, les personnes dites non valides, les enfants et autres personnes opprimées ne sont pas écoutées, sont niées, invisibilisées, violentées dans un silence et une complicité des priviligiés. Il faudrait toujours subir les agressions, se taire, laisser la place à d’autres discussions puisque cette lutte paraît secondaire, moins importante, puis il faudrait à nouveau faire des efforts pour se faire un peu de place dans les espaces, les AG, les discussions, l’organisation, les responsabilités, les tâches plus techniques…et enfin pour revendiquer des droits, il ne faudrait pas choquer, prendre sur soi, s’exprimer de manière douce et apaisée (ce que j’ai entendu trop de fois sur le camp !) Mais comment ne pas s’exprimer avec colère et avec rage quand nous subissons dans chaque espace de nos vies et de surcroit dans ce milieu dit militant une accumulation de violences dans un tel déni !Oui, Indymedia restera un lieu d’expression des ressentis tant que concrètement en dehors des grands discours, il n’y aura pas une réelle prise de conscience de nos comportements de dominants (hétéropatriarcat, racisme, classisme, validisme, agisme, etc.) tant dans l’espace public comme dans l’espace privé. C’est une question inérante au milieu militant et ne pas vouloir en parler, ni se remettre en question, c’est se conforter dans ce système !

Pour en revenir au camp, il y a une AG en milieu de semaine où dès le début un groupe de personnes est venu lire un texte sur les violences subies dans le camp (insultes, violences sexistes, homophobes, transphobes, classistes, discriminations, etc.) et les réactions violentes suite au concert de la veille et de la reprise d’une chanson de Bertrant Cantat. Je remercie ces personnes d’avoir lu ce texte. Je précise qu’il y a eu des soutiens, mec cis compris, mais beaucoup de personnes ont eu des réactions violentes et moralistes.

Dans un premier temps, la réaction de la chanteuse, un grand moment! Elle a sorti son CV et s’est vantée d’avoir chanter dans toutes les ZAD de France, pour préciser ensuite que depuis 10 ans, elle n’avait jamais eu de problème avec cette chanson ! So what ? Je ne sais pas si elle est au courant, mais si ce n’est pas le cas, je vais lui faire une révélation : nous sommes dans une société PATRIARCALE ce qui signifie aussi que toutes personnes qui va dénoncer des violences sexistes, homophobes, transphobes, lesbophobes, etc. et de surcroit dans le dit milieu va subir la répression, l’isolement, la discrimination, la culpabilisation. Alors, oui, et comme souvent (car ça fait un petit moment que je traine dans le dit milieu), les personnes opprimées (qui n’ont parfois pas d’autres choix que de rester dans ces lieux mixtes) choississent de se taire ou ne réussissent pas à parler mais les violences sont pourtant là et réactivées à chaque fois (et donc surement à chacun des concerts de ce groupe). Puis on a touché le fond quand la chanteuse a précisé qu’elle n’était pas raciste puisqu’il y avait deux algériens dans le groupe, je me suis alors demandée si je ne m’étais pas trompée avec un congret du FN! Enfin, elle a manifesté son mécontentement face aux réactions « autoritaires » pendant la chanson de Bertrant Cantat (qui a tué Marie Trintignant à coups de poings). Autoritaire ? Y-a-t-il eu la place à la discussion ? Y-a-t-il eu la possibilité d’expliquer pourquoi cette chanson est violente dans le contexte dans lequel on vit ? Non, les réactions ont été vives et violentes. Pour l’organisation du camp, il avait été proposé qu’il n’y ait ni de concert ni de vente d’alcool après 22h et pas de concert amplifié. Certainement pour éviter ce genre d’agressions, de propos décomplexés, pour ne pas isoler les personnes violentées, pour respecter celles et ceux qui se lèvent tôt pour organiser le camp, pour laisser la place à l’action directe! N’est-ce pas autoritaire de venir imposé un concert jusqu’à 2h du mat ! Mais pour finir, la chanteuse a précisé qu’on devrait remercier son groupe venu gratuitement !…mais ceux qui ont ramassé sa merde sont venus comment ? Eh bien gratuitement aussi ! Ceux qui ont fait des cantines super trop bonnes et magnifiques et supers organisées, ils sont venus comment ? Eh bien gratuitement aussi ! Pourquoi ce statut d’artiste est au dessus de tout ? se croit avoir le droit de tout, violences comprises ! Mais tous le monde aimerait bien crier sa rage avec une guitare! Seulement, y en a qui doivent faire autrement pour survivre à l’année !

Puis pendant l’AG, il y a eu différentes réactions violentes et décomplexés (on a pu par exemple entendre féminazie), certaines prises de paroles de mecs cis étaient bien longues et pour parler de leur nombril et proposer des ateliers en non mixité mecs ! Il n’y a eu donc aucune écoute du texte qui venait d’être lu, des personnes qui viennent parler des violences de l’hétéropatriarcat, système d’oppression systémique et structurée fondé sur la domination des femmes et LGBTQI, maintenu entre autre par des violences quotidiennes, ordinaires, surnoises et notamment sur ce camp ! La non-mixité peut-être un outil efficace dans la recherche d’autonomie, pour mettre des mots, ne plus se sentir isoléEs entre oppriméEs, pour s’organiser dans la lutte mais quid des ateliers en non mixité homme cis (même si c’est pour parler de la pillule masculine comme il a été proposé lors de l’AG non !) dans un contexte d’hétéropatriarcat, de domination et de manipulation du corps des femmes, des LGBTQI, etc. Il y a des mecs cis alliés, mais comme nombres d’expériences l’ont prouvé, se retrouver entre priviligiés ne fait que renforcer son sentiment de dominants, se déculpabiliser de ses conduites et reproduire l’oppression, etc. Pour ma part, en tant que femme blanche cis hétéro, je ne veux plus que les mecs cis m’expliquent comment je dois mener ma lutte, reprennent mes propos pour les reformuler, me disent quelles brochures je dois lire ou ne pas lire, me demandent d’argumenter quand je me sens oppréssée, me demandent des détails des agressions subis pour valider ou non la violence, viennent sans cesse remettre en question mes idées, je ne veux plus que les mecs cis prennent tous les espaces, les moments, sans qu’à aucun moment penser que se taire, écouter et se mettre en retrait serait la possibilité d’avancer ensemble.

Des choses se mettent en place mais ce n’est pas simple face à la violence présente dans le camp, face au peu de solidarité, face à la division mis en place par l’héréropatriarcat. Durant le camp, il y avait un espace camping meufs & LGBTQI (même si des mecs sont venus pisser à côté, des gens crachaient sur les espaces non mixtes), une tente non mixte LGBTQI avec un infokiosque, des temps de rencontres, un espace écoute avec des permanences non mixte (meufs et LGBTQI) mais tout cela a été pensé en dernier après tout le reste, parce que certainement moins important que d’avoir un bel espace média ! Après cette AG, un atelier « féminisme et lutte contre le sexisme » a également été organisé. Cet atelier a été proposé en plusieurs temps : un temps d’introduction pour réexpliquer ce qu’est l’oppression patriarcarle et l’oppression hétéronormée, un temps de témoignages, un temps pour lister des privilèges de dominants, puis des discussions en petits groupes mixtes ou non-mixtes selon les affinités et enfin un temps d’échange en non mixité d’opprimés pour créer des solidarités et des outils d’autodéfense et de lutte. A également été mis en place un mur du sexisme sur un des chapiteaux pour écrire et visibiliser un certain nombre de violences présentes sur le camp. On parle d’autogestion, alors je crois qu’il ait encore possible de construire des lieux où les agressions sont condamnées collectivement, où les violences sont visibilisées, où la peur et la culpabilité changent de camp, où les personnes opprimés se sentent un peu plus en sécurité et aient leur place ! Pour cela, stop au silence et à l’indifférence. Parler, dénoncer dès maintenant, ressentis compris, rage et colère comprises. Favoriser et permettre l’auto-gestion des personnes opprimées, en particulier lorsqu’elles font face à la répression, pour qu’elles puissent se réapproprier les espaces et les luttes dont elles sont trop souvent privées.

Sororité

Une participante du camp de Bure et des prochains camps