Devant une foule qui enfle, une chorale entonne quelques chants de lutte, suivie par une série de prise de paroles sur les différentes violences policières et judiciaires. L’action d’auto-dénonciation est une réussite totale : plus de 300 personnes ont répondu à l’appel à se dénoncer en solidarité avec les inculpés du 22 février et tou-te-s les autres !

Les slogans brandis reflètent la diversité de la manifestation : « Tou-te-s terroristes ?! », « Désarmons la police », « Propageons la révolte », « Armé de mon courage », « Vivre libre ou mourir » …

Le cortège puissant, dense et dynamique s’élance, rythmé par une battucada. Les flics sont systématiquement hués mais l’avant de la manifestation respecte l’engagement pris : manifester le plus longtemps possible sans riposter aux provocations policières. Dans la manifestation, de l’énergie et une belle participation venue des quartiers.

Le dispositif policier est présent à chaque carrefour, dans chaque ruelle. Tout le centre ville doit être contourné. Les rues sont désertes mais le cortège enfle, étonnamment. Quelques fumigènes sont allumés, on chante, on crie.

Arrivée place Talensac, la foule compte bien 4000 personnes. On est au delà des microcosmes militants ou même des seuls réseaux anti-aéroport : le peuple est dans la rue. Nantes est la capitale des mutilations policières, peut-être a-t-elle endossé quelques heures durant le rôle de capitale de la résistance ? L’enjeu était de faire une démonstration de force. Elle est incontestable.

Une partie des gens en tête de cortège appelle à une dispersion. Personne ne l’entend.

« On continue ! »

La manifestation marque une pause puis repart aussitôt, tombant nez à nez avec une nasse policière hallucinante gardant tout le cours de 50 otages où se trouve la Préfecture. Des centaines de policiers en armure, deux canons à eau et une horde de BACeux mettant en joue – encore une fois – les manifestant-e-s à hauteur de tête.

Sans attendre, des centaines de manifestant-e-s avancent à pas rapide vers les lignes policières, tou-te-s ensemble, cagoulé-e-s ou non, en levant les bras.

« Dégagez ! », « On avance ! » résonnent en cœur.

Les lignes policières reculent de 50 mètres, les donneurs d’ordres sont paniqués. Le courage de ceux qui bravent l’intimidation dégage une force collective incroyable. Les plus déterminé-e-s s’engagent sur la voie de tram, toujours les mains en l’air, mais elles/ils sont attaqué-e-s par un canon à eau blindé des CRS qui déboule lourdement sur les rails. Comme sur la place Taksim d’Istanbul, l’eau sous pression est chargée en produits irritants : les premiers rangs ont le visage brulé. Un manifestant est gazé à bout portant. Pour compléter l’attaque policière gratuite, plusieurs salves de grenades lacrymogène surpuissantes – la police utilise différentes concentrations de gaz selon la situation – sont propulsées au milieu de la foule qui reflue sur le boulevard Bellamy.

Après un temps d’hésitation on remonte la place Talensac désormais envahie de camions bleus. Une tentative de percée vers la Place Bretagne est dissuadée par les casqués. Ils sont partout. Le cortège qui s’amenuise fini par remonter sur la place Viarme, vide de monde. Il reste encore quelques centaines de déterminé-e-s qui se rejoignent au compte goutte. Un flic à moto est chassé à coup de bouteilles, quelques pavés sont descellés. Plus bas, des poubelles sont incendiées sur la voie de tram et un fumigène envoyé sur une ligne de policiers. Riposte dérisoire.

Dans le même temps, un sitt-in se tient en face de la Préfecture, à l’endroit même ou les provocations policières avaient commencé un peu plus tôt. A la tombée de la nuit, la police agresse les dernier-e-s courageu-se-x qui tiennent bon de façon non violente.

Tout s’accélère, retour sur la place Aristide Briand où se trouvent un hôtel de luxe et un parking Vinci. Des barricades de fortunes sont construites à la hâte à tous les coins de la place alors que quelques vitrines publicitaires tombent en même temps qu’un panneau Vinci. L’ambiance devient électrique. Il ne reste plus que quelques déterminé-e-s mêlé-e-s à des groupes de quartiers. Il y a longtemps que les organisations respectables – militantes et limitantes – ont laissé les indésirables en pâture à la police. L’étau se resserre, le petit cortège continue au pas de course. Dans une petite rue longeant l’ancienne prison, une ambulance active son gyrophare. Alors que le groupe s’écarte pour la laisser passer on découvre qu’un groupe de la BAC, énervé, se cache derrière le véhicule qui servait en fait de cheval de Troie. Ils attaquent, tirent, c’est la panique, tout le monde repart en courant. C’est le début d’une chasse à l’homme dans les ruelles bourgeoises de Guist’hau et de Monselet.

Dans cette vidéo on entend un groupe de BACeux armés hurler à la poursuite des groupes de manifestant-e-s, un bruit de tir est détectable.
http://www.presseocean.fr/actualite/nantes-manifestation-en-video-affrontement-pres-de-lancienne-prison-22-11-2014-138193

Des grenades lacrymogènes explosent dans la foule, une voiture est retournée au milieu des gaz. Une autre grenade tombe dans la cour d’une résidence cossue. La course continue sans véritable objectif. Des balles de LBD fusent, deux gamins en ont senti une passer entre eux. Détonations. Un bruit sourd sur une vitrine : une balle policière qui a manqué un-e manifestant-e est venue étoiler le verre. Les banques sont attaquées au même moment, quelques poubelles allumées à la hâte. La situation est critique. Les dernier-e-s motivé-e-s s’évaporent en ordre dispersé dans ce quartier gris et vide.

La chasse à l’homme continuera une partie de la nuit.

Au moins 14 arrestations sont à déplorer. Et les blessé-e-s ?

Vidéo de Taranis News : http://www.taranisnews.com/post/103360717213/nantes-la-manif-contre-les-violences-policieres

Merci à G. Glanz pour son travail.