Le chemin d’accès des GM, l’endroit nommé « Les Lascards » ou « Les Enterrés » est défendu par une série d’énormes barricades de rondins et plusieurs profondes tranchées faites par le tractopelle d’un habitant du coin. Un énorme panneau les domine. « Hommage à Rémi » est-il écrit dessus. Derrière, une formidable envie d’ouvrir l’espace à la liberté planétaire, de soulever la chape de la rigueur conformiste et de la soumission durable. Pour que le camarade ne soit pas mort pour rien.

A Albi, la minute de silence s’est lentement muée en un doux et magnifique « Chant des Partisans » repris en murmure par la foule. Puis un cortège s’est formé, vite arrêté par un barrage de militaires en armes. Ils étaient encore « stupidement » là, à coté du chantier de réfection d’une esplanade : les pavés étaient là eux aussi, bien rangés dans des sacs. Ils ont volé dans toute la ville.

Ils étaient « stupidement » là aussi samedi lors du rassemblement à la Zad du Testet, volontaire incitation à la violence. Cet état pourri d’oligarques adeptes des petits arrangements entre copains a imaginé d’encore passer en force, pensant que la menace et la coercition suffiraient à nouveau pour nous mettre bras ballants devant leurs magouilles accomplies. Leur stratégie morbide, leurs sinistres calculs de plans com’ à deux balles pleins de racailles, de black-blocs et de poignées d’activistes anarchistes violents les a directement mené à l’assassinat d’un gamin pacifiste bien plus raisonnable qu’eux.

Etait-il celui que j’ai vu s’avancer lentement les bras levés vers le barrage policier d’où volaient à ras du sol lacrymos et assourdissantes, s’avançant de trois pas comme dans « un, deux, trois, soleil » à chaque fois que le faisceau des projecteurs qui balayaient la scène au travers des fumées l’oubliait un peu ? Etait-il cet ombre qui se levait de derrière un talus pour jeter à s’en démettre l’épaule trois mottes de terre vers le monstre anonyme caparaçonné de kevlar ? Peu importe, il était chacun d’entre nous.

Il y a un responsable derrière ce meurtre, ce n’est pas qu’un quelconque matricule policier ni même un sénateur Carcénac ou un Président Hollande. Ce responsable nous le connaissons tous, nous nous heurtons partout tout le temps à lui et c’est à lui qu’il faut s’en prendre directement et radicalement sans s’attarder sur le sort des outils ou des comparses. Pour que le camarade ne soit pas mort pour rien.

Toutes ces barricades ne tiennent que grâce aux gens qu’il y a derrière, elles sont terriblement vulnérables sans le ciment de la solidarité. Allez à la Zad, apportez du matériel de construction, de bons outils (faucilles et marteaux…), des clous, des vélos, des bâches, du ravitaillement, des couvertures, des médicaments. N’apportez que vos bras cela suffira même, mais ce sera mieux si la tête suit. Plus il y aura de monde et de volontés agissantes sur tous les modes possibles (de pacifique à enragé mais sauf résigné) derrière ces entassements de bois et de métal, plus cet Etat sans âme, sans vergogne et sans pitié reculera devant la levée des consciences. A l’heure ou nous quittions il y avait peut-être 200 ou 300 personnes sur la zad. C’est presque dix fois plus que depuis début septembre mais c’est encore bien trop fragile, c’est à peine suffisant pour que « nos représentants » redoutent d’ordonner le retour des GM.

Si vous ne pouvez pas, alors, n’allez pas à la Zad, mais rassemblez vous devant les préfectures ou les lieux de pouvoir, cordonnons une réplique et la mobilisation des gens. Tous en ont marre et s’indignent, à des degrés divers, il faut fusionner les colères. C’est maintenant, c’est pas demain, c’est tout de suite et c’est urgent.

Cet Etat vendu aux marchands préfère tuer sa jeunesse plutôt que de lui laisser un seul espace de liberté. Dégageons le !

Les violences au Testet

Je lis ça et là que les manifestants auraient utilisé des coktails molotov contre les forces de l’ordre dans la nuit de samedi à dimanche. Je n’en ai vu aucun.

Il est vrai que je n’ai pas vu la mort de Rémy mais il y avait charge des GM, volées de lacrymos et d’assourdissantes et j’étais tout occupé à relancer ou éteindre les lacrymos proches où à guetter les trajectoires pour me boucher les oreilles avant l’explosion (sinon ça fait mal !).Je n’ai rien jeté d’autre que ce qu’on m’a envoyé.

J’ai vu deux patators, des frondes et des lance pierres. J’ai vu voler des cailloux et des mottes de terre (assez dures, faut le dire, ce n’est pas un doux humus qu’ils ont laissés !), des fusées d’artifices (certaines ont mis le feu dans la zone défrichée des pentes où il y avait des GM déployés, une seule est allé dans le carré vide défendu par les flics), des fusées de détresses (deux tirées en direction de l’hélicoptère de la gendarmerie, pour le faire reculer, ce qui a marché) et même un feux d’artifice complet. J’ai vu voler des bûches enflamées et des bouts de bois. Rien qui ne soit qu’assez inoffensif, approximatif ou imprécis, rien qui ne soit propulsé par autre chose que la simple force humaine ou qui ne soit que quelques milligrammes de poudre et d’oxydes colorants sans projectile d’impact.

Ayant passé la nuit de Dimanche à lundi avec ceux qui gardaient le « Dance Floor », dont certains ont participé activement à la bagarre, j’ai aussi demandé s’il y avait eu coktails. Niet.Ceux là étaient sur zone depuis Septembre et en ont pris plein le gueule depuis plus d’un mois, seuls ou presque devant les GM et les engins de chantier. Ce ne sont pas des black-blocs extérieur. Ils ont tout fait, action non violente, clown, médiation, barricades et caillassage. Toutes leurs stratégies se sont heurtées à une machine inexorable quelque soit la forme de l’opposition. Ils en ont gros sur la patate et c’est pas moi qui va le leur reprocher, comptez plus sur moi pour ce genre de débat stérile inutile et épuisant. Face à la coercition et au cynisme de notre état, aucune stratégie ne peut prétendre s’imposer comme étant la seule valide. La non violence a prouvé mille fois sa non efficacité si elle est utilisée seule. Il y a des contextes où cela marche, d’autres pas du tout. Regardez l’histoire autrement qu’avec des grilles de lecture toutes faites, des grands récits et des fantasmes (Gandhi !). Pour la violence c’est pareil et d’ailleurs les zadistes savent bien jusqu’où y aller. Ils sont nombreux à venir de NDDL, la procédure de la flicaille ils connaissent…Utiliser des armes létales entraîne une réplique proportionnée et on va au massacre que nul ne veut dans ce camp. On a des doutes vis à vis de l’autre, de plus en plus justifiés et il faut en tirer les conséquences (..dégage !).

J’ai croisé à Albi un gars qui m’avait tenu la veille tous les propos non violents du monde. Il avait un pavé à la main. La rage monte devant tant de provocations. Il en faut autant pour s’interposer, bras lévés entre les flics et les violents que pour lancer des pavés. Ce n’est pas exactement le même genre de courage cependant, l’un vient plus facilement aux jeunes taillés comme des baraques, mais chacun fait avec celui qu’il a ou pas, on a le droit d’avoir peur et il y a mille choses à faire ailleurs que sur le front. Mais il faut aussi y être en nombre sinon les engins passent, les arbres tombent et sont rasés, la terre est chamboulée et « Carcénac » nous dit : « au point ou on en est pourquoi s’arrêter… ».

Autre chose, la parité…il n’y a plus les petites nanas à l’infirmerie et les gros pépères costauds valeureux au front. Il y a de tout partout et sans quota ! La grille de lecture traditionnelle sur le machisme de la lutte en est un peu chamboulée, intégrez cela camarade-e-s.

Moi j’ai l’impression qu’ils sont de moins en moins nombreux à craindre leurs stupides lacrymos et leurs gros pétards et que tous, « violents » et « pacifistes » montent à l’assaut du « vieux monde » dont, à ce stade, ils n’ont plus peur et qu’ils sont juste déterminés à ne plus accepter.