Ce geste prend donc évidemment une dimension symbolique, mais pas seulement. Planter des arbres, c’est s’inscrire dans la durée et signifier clairement que l’abandon du projet d’aéroport n’entraînerait pas la fin de l’occupation ici. C’est aussi une façon de créer de nouveaux possibles, de se réapproprier le territoire et d’en diversifier les usages pour renforcer nos moyens matériels d’autonomie et de résistances contre l’aéroport et le monde qui va avec.

A partir de 1950, subventions à l’arrachage de pommiers, interdiction de planter des vergers de plus de 20 arbres sans autorisation, suppression des privilèges des bouilleur-euse-s de crus, remembrements, aménagement et « progrès industriel » ont fini de déposséder les campagnes de leurs arbres fruitiers qui fleurissaient alors partout dans les vergers autour des communes, dans les haies, les allées, les jardins, les cours des fermes, les cimetières…

Qu’on soit professionnel-le-s de l’agriculture ou non n’est pas la question. Notre projet ne cherche pas à être économiquement viable mais à s’affranchir du système économique capitaliste. Ce système qui commande de déménager nos vies au gré des impératifs du marché du travail. Qui « aménage nos cadres de vie2 » de façon à ce qu’aucun espace n’échappe plus à sa logique de fonctionnalité, de rentabilité. Les personnes qui habitent ces lieux ainsi aménagés les voient façonnés, bouleversés selon des critères qui leur son étrangers. Les territoires sont rendus lisses, standardisés, interchangeables. En plantant des arbres, nous voulons faire en sorte qu’ « ailleurs » ne soit plus, pour nous, équivalent à « ici », c’est nous donner des raisons bien concrètes de ne pas s’en laisser déraciner.

Nous avons envie de planter une cinquantaine d’arbres, en créant une haie fruitière à l’occasion et avec des espèces et variétés diverses – soit trop peu d’arbres de chaque variété pour que cela puisse être un jour commercialisable. Nous sommes intéressé-e-s par les variétés anciennes, rustiques qui ne donneront pas les fruits considérés vendables en supermarché (telle pomme est trop grise, l’autre n’a la griffe à la mode qu’une année sur trois…). Cela a aussi du sens pour nous de planter une partie d’arbres sur haute-tige (qui vivront très vieux et grimperont haut). Nous voulons aussi créer une pépinière notamment pour repeupler de fruitiers les haies et autres lieux de la zone. Bref, notre projet est bien loin des normes imposées par la SAFER ou la chambre d’agriculture et c’est tant mieux !

Nous vous inviterons en décembre à un chantier collectif pour la plantation, au Moulin de Rohanne. Mais aussi à des ateliers partage de savoirs autour du verger. La récolte (pas tout de suite) sera partagée sur les non-étals du non-marché3 et avec d’autres projets de luttes amies (solidarité avec les migrant-e-s de Calais, la lutte de la ZAD du Testet, cantines populaires en ville ou ailleurs, etc…).

Pour nous rencontrer , on est aux A.G sème ta zad qui ont lieu un mercredi sur deux à la Châtaigne.

Notes :

1- Christian de Lavernée a déclaré aux journalistes, le matin du 16 octobre (premier jour de l’opération d’expulsion de la zone qui durera plusieurs semaines pour finalement se solder par un échec ) : « A 10 heures, tout était terminé ».

2- Slogan d’Eurovia, filiale de Vinci

3- Le « Non-marché » est un lieu de rencontres, d’information et d’échanges, gratuits ou à prix libre, des productions de la zad. Tous les vendredis de 17 à19h au carrefour du moulin de Rohanne. Venez-nombreu-se-s !