On avait envie d’une introduction rapide, pas mal d’entre-nous s’accordant sur le constat : « le cirque électoral nous bassine », « il y a belle lurette qu’on a compris que l’alternance changeait que dalle », que « l’incapacité des politiques à améliorer nos vies était proportionnelle à leur démagogie ou à leur confort personnel ». Mais pour être parfaitement concrets : la majorité d’entre nous n’avons jamais vu le début d’un effet positif d’une réforme. Comme toujours, les « gagnants » des dernières élections (municipales comme européennes) seront les futurs perdants des prochaines, démontrant comme les autres leur incapacité à améliorer notre sort et dévoilant leur goût caché pour un système dont ils profitent désormais comme les autres. Pire, si nous sommes de plus en plus nombreux dans la galère, nous voyons aussi cette minorité de patrons, de financiers, de politiciens et de hauts fonctionnaires s’en sortir toujours davantage : et sans utiliser de bulletin de vote ! Ce bilan, qu’ils ne manqueront pas de qualifier de populiste, est malheureusement clairement établi depuis des décennies et il devient tellement évident pour tous qu’il siffle la fin du spectacle et la consolidation d’une abstention consciente.

En ces lendemains d’élections européennes et de psychodrame médiatique, nous n’avons ni gueule de bois, ni sentiment de culpabilité. Et ce ne sont pas les flots de paroles contre ces « irresponsables abstentionnistes », prétendument « irrespectueux de ceux qui sont morts voilà 70 ans », qui nous feront changer d’avis. Quant à l’énergie et l’argent dépensés à chaque élection, il nous semble évident qu’ils seraient bien mieux employés ailleurs, là où on en a vraiment besoin. Nous restons par ailleurs dubitatifs face aux récentes tentatives de mobilisation de la jeunesse, souvent soutenues par des partis ou syndicats qui en appellent déjà à voter en 2017. Pour nous, le problème ne réside pas dans une prétendue montée de l’extrême droite mais dans la manière dont nous pouvons faire face, au quotidien, à la misère, à la précarité, à l’exclusion et à l’individualisme.

Pour cela, il est évident que nous ne pouvons compter que sur nous même. Si les grandes conquêtes sociales ne se sont pas faites par les urnes, nos difficultés face à un patron, à pôle emploi, à une banque ou à un propriétaire ne se concluent par ailleurs que rarement en notre faveur quand nous restons seuls : dans les deux cas, tout est question de rapport de force ! Parce que nombreux et parfois même majoritaires, le système voudrait maintenir les abstentionnistes dans le silence, l’immobilisme, l’isolement et l’anonymat. Nous pensons qu’il doit en être autrement : abstentionnistes ou non, peu ou pas convaincus par la politique, désireux de nous prendre en main et de ne pas tomber dans le piège de la querelle politicienne stérile, nous pouvons nous organiser pour agir et résister collectivement.

Notre point commun : un peu d’énergie et les compétences de chacun à mettre au profit de tous et, surtout, la conviction que le vote ne pourra nous sortir de la galère quotidienne.

Nos motivations : en réponse aux leçons de morale données par ceux-là même qui participent à ce système de misère, nous faisons l’affirmation d’une abstention légitime face à une kermesse électorale vendue par tous comme LA solution à nos problèmes. Nous ne voulons plus laisser aux politiciens, aux sondeurs et aux journalistes le soin de parler pour nous. Enfin, nous ne supportons plus de devoir écouter, après chaque scrutin, le discours des perdants en appelant à se mobiliser pour la prochaine échéance : la misère et l’injustice sont partout, maintenant, et il est intolérable d’entendre des engagements à y remédier d’ici de lointaines échéances, après d’hypothétiques victoires, par de vagues réformes.

Nos objectifs : nous faire connaître, préalable à l’établissement de liens directs, pour ensuite discuter, agir, s’entraider, sans intermédiaire ou représentant, par l’action collective, dans nos quartiers, dans nos villes, face à l’exploitation, l’exclusion, l’intolérance.

Nous interpellons donc les déçus, les exclus, les sceptiques, les sans voix et les allergiques du bulletin de vote et les incitons à se regrouper dès que possible afin de se constituer en force réellement efficace car il nous tarde de faire changer les choses.

Ces idées mises à plat par quelques copains partageant une même révolte en appelleront sans doute d’autres, à élaborer avec celles et ceux qui voudront bien se joindre à nous (reseau-abstentionniste@gmail.com). Surtout, nous avons quel qu’espoir qu’elles soient reprises et mises en œuvre, par qui le souhaite, en n’oubliant pas : ne restez pas isolé, faîtes-nous signe !

« La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ».
Albert Camus, L’Homme révolté.

Tout reste à bâtir !

PAS DE LIBERTE, PAS D’EGALITE : PAS DE VOTE