Loi Fioraso et déficit des universités : un nouveau coup dur pour les universités, les personnels et les étudiant-e-s

                        Geneviève Fioraso est l’actuelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Son parcours laisse on ne peut plus rêveur : dans la région grenobloise, cette dernière était en effet à la fois PDG de Minatec Entreprises (spécialisée dans les nanotechnologies), maire adjointe de Grenoble, membre ou co-présidente de trois Sociétés d’Economies Mixtes publiques-privée liées à « l’innovation technologique » et évidemment à Minatec Entreprises, ou encore membre d’association de loi 1901 dont la plupart sont liées à la facilitation et la coordination des rapports entre secteurs publics et secteurs privés. C’est donc une ancienne patronne et une lobbyiste convaincue du rapprochement public-privé qui dirige actuellement ce ministère. Son cabinet ministériel et composé très majoritairement de partisans et artisans de la loi LRU… Vous vous rappelez ?

La loi LRU, cette loi qui a rendue autonome financièrement les universités, passant par une diminution considérable de la dotation budgétaire d’Etat, et poussant ces dernières à rechercher d’autres sources de financements, notamment via les entreprises privées ou le mécénat. La loi LRU qui a également transférer la gestion financière et humaine de la « masse salariale » de l’Etat aux universités, avec une accentuation en parallèle des pouvoirs des conseils d’administration et surtout des Président-e-s d’universités, faisant de ces dernier-e-s de vrai-e-s chefs d’entreprises. Cette fameuse loi qui fait qu’actuellement, plus d’un tiers des universités françaises sont en déficit budgétaires (et plus de la moitié en difficultés financières) et utilisent les salarié-e-s comme variable d’ajustement en supprimant des dizaines et des dizaines de postes (voire des centaines dans quelques universités), provoquant suppressions d’heures de cours, surcharge d’étudiant-e-s dans certains TD, et dégradations des conditions de travail et d’études. Cette loi qui pousse les universités, les filières, les centres de recherches et les personnels à la compétition la plus totale, et force actuellement à des suppressions ou fusions de filières (considérées comme insuffisamment rentables pour l’économie capitaliste) voire d’universités…

Et bien non seulement la loi Fioraso ne remet rien en cause de cette foutue loi LRU, mais elle accélère et enfonce le clou de la marchandisation de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La loi, passée à l’Assemblée Nationale et au Sénat pendant l’été (comme sa frangine LRU en 2007, on change pas les bonnes méthodes), préconise notamment la mise en place de « communautés d’universités », dont l’objectif principal est de faire fusionner les universités les unes entre les autres, afin de créer de grands pôles régionaux de l’enseignement supérieur censés être compétitifs sur la scène internationale, passant par des fusions de filières et de centres de recherche, pour une soi-disant question de « lisibilité ». Mais ce sont bien les étudiant-e-s les plus précaires et les personnels qui vont trinquer. Toute fusion génère des suppressions de postes. Et toute fusion supprime des filières, empêchant les étudiant-e-s n’ayant pas les moyens de se déplacer à des centaines de kilomètres de chez eux/elles de s’inscrire dans la filière de leur choix. Dans le même temps, les pouvoirs vont se concentrer dans les mains de l’instance dirigeante du regroupement/fusion d’universités, d’ailleurs composée à seulement 50% de membres élu-e-s, les autres étant nommé-e-s et de préférence lié-e-s à l’économie régionale.

Le projet de loi transfert également « l’accréditation des diplômes » directement par les universités et laisse ainsi encore plus de largesse à ces dernières pour concevoir directement leurs propres diplômes, renforçant la régionalisation et la mise en compétition des universités. En parallèle, les UFR (Unité de Formation et de Recherche) vont être supprimées et les universités vont pouvoir créer les composantes qu’elles souhaitent. Rappelons que la nouvelle Licence mise en place à partir de 2012 et finalisée en 2014 introduit les représentant-e-s du « milieu socio-économique régional » dans la conception des enseignements, dans les enseignements, et dans les jurys d’examens. Mis bout à bout, tout se tient : les universités créent des diplômes dont les objectifs sont de former une main-d’œuvre directement exploitable par le patronat local.

De plus, le projet Fioraso prévoit de transformer la Licence en une simple continuité du lycée, reléguant la spécialisation au Master. Cette volonté est à mettre en lien avec la professionnalisation forcée des filières depuis 2007 au moins, où les connaissances fondamentales liées à une discipline sont petit à petit remplacées par des « compétences » communes à toutes les filières (langues, informatique, projet professionnel, etc.), dont l’objectif est bien de faire intégrer des logiques managériales et économiques aux futur-e-s salarié-e-s/chômeur-euse-s, interchangeables et sans connaissances précises sur le marché du travail. L’idée ici est également de limiter l’accès à la recherche au plus grand nombre, abordable dans un futur très proche uniquement en Master, où la sélection sociale est plus importante. Contrairement à ce que disent les gouvernements successifs, ce n’est pas la professionnalisation qui permettra d’enrayer l’échec en Licence, mais un plan massif de résorption de la précarité étudiante qui gonfle chaque année, poussant les ¾ des étudiant-e-s à se salarier dans le courant de l’année (et plus de la moitié pendant l’année universitaire).

Pour finir, ce projet de loi, dont la tonalité réside principalement dans le rapprochement des universités avec le monde de l’entreprise, va accentuer et accélérer la pénurie budgétaire des universités, poussant ces dernières à supprimer toujours plus de postes et chercher des financements privés. Ce processus est celui le plus prisé dans le monde pour justifier à un moment une hausse importante des frais d’inscription, comme en Angleterre, au Chili, au Canada etc. Déjà en France, les frais d’inscriptions augmentent chaque année bien au-delà de l’inflation, et de manière croissante de la Licence au Doctorat, l’idée étant bien de limiter les longues études aux étudiant-e-s socialement acceptables et compétitifs… Combien de temps allons-nous laisser faire ? En ce moment même, dans plusieurs universités françaises, des étudiant-e-s et des personnels tentent de se mobiliser contre ce projet de loi, contre le déficit des universités, et plus largement contre la sujétion de l’enseignement supérieur et de la recherche au système capitaliste, via des assemblées générales et l’auto-organisation. Il est vrai qu’on ne peut compter sur des organisations syndicales comme l’Unef, organe étudiant des MJS (et donc du PS), pour mobiliser, cette dernière étant favorable à la loi LRU, la professionnalisation des filières, et bien sûr, le projet Fioraso.

Les assemblées générales des universités de Lyon 2, Montpellier 3, Paris 8, Caen, Toulouse 2, ou encore Grenoble, ont mandaté des étudiant-e-s pour se retrouver en CNE (Coordination Nationale Etudiante) à Montpellier 3 (fac la plus mobilisée pour le moment) le week-end du 23-24 novembre afin de se coordonner à l’échelle nationale et établir une plate-forme commune de revendications. Une prochaine CNE aura lieu les 25 et 26 janvier 2014, probablement à Lyon.

Partout, mobilisons-nous et lions nos luttes, contre la marchandisation et la destruction des services publics, la casse du code du travail, des droits sociaux, et l’enrichissement exponentiel de quelques-un-e-s au dépens de la majorité.

Texte écrit par Syndicat de Luttes-Caen (SL-Caen), membre de la fédération Solidaires Etudiant-e-s,
actualisé par Seb-Caen.

http://sous-la-cendre.info/1893/agitation-a-la-fac-de-caen