RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 123/ Octobre 2013

« Aux armes, citoyens…
Formez vos bataillons !… Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! » Pour une fois, la gôche aux manettes réussit un coup. Le sang coule. Le 22 août, à Marignane un homme, qui se jette sur les braqueurs d’un tabac se fait tuer… Et il devient un « héros » dans la bouche du ministre Valls : « Cette mort doit réveiller les consciences en ce qui concerne ces violences… » Et ça n’a pas raté, les « consciences » n’ont pas tardé à se réveiller. Le 10 septembre un gérant de supermarché du Blanc-Mesnil (93) exaspéré par des vols à répétition commis par des lycéens, poignarde à quatre reprises un jeune de 17 ans pris sur le fait. Celui-ci est grièvement blessé, mais ne meurt pas. Déjà un bon « réveil », mais ces « consciences » stimulées peuvent mieux faire. Le lendemain, il y a eu un mort, sec et net : c’est l’affaire du « bijoutier de Nice » qui a mis une balle dans le dos d’un braqueur en fuite et explique que c’est la faute des parents qui laissent traîner leurs gosses. La justice a du mal à admettre la légitime défense, mais une marche « blanche » de soutien est organisée, une page de soutien est « likée » plus d’un million de fois sur internet. Le lundi 30 septembre à Marseille, un buraliste blesse d’un coup de fusil à pompe un braqueur de 17 ans. Il est remis en liberté dans la journée. Valls déclare pour la forme que c’est « à l’État d’assurer la sécurité » des commerçants, tout en disant qu’il peut comprendre « la peur ».
Le pouvoir refuse de s’attaquer à la crise grave de la société, à la misère, au racisme, à l’avenir bouché qui poussent des jeunes à risquer leur vie pour quelques cartouches de cigarettes. Après avoir chauffé les « consciences » une nouvelle cible est désignée. Toute honte bue, il s’attaque aux plus pauvres et aux plus fragiles : les 15 000 Rroms de Roumanie et de Bulgarie, citoyens européens, qui sont stigmatisés comme « non assimilables » à expulser.
Vous vous dites que ça pue. Et vous avez raison. Pourtant la gôche, Valls compris, n’est pas fasciste. C’est un ramassis d’irresponsables criminels, qui, dans un calcul électoral suicidaire, ouvrent des boulevards aux vrais néo-nazis qui se préparent.

> [ R I P O S T E S dans les quartiers populaires ]
En juillet dernier, un jeune toulousain a porté plainte contre les flics qui l’ont interpellé à la sortie d’un bar de nuit le 21 juin dernier : ceux-ci l’ont saisi alors qu’il essayait d’empêcher une bagarre, jeté au sol, menotté, giflé, projeté la tête la première contre murs et portes. Après 3 heures au comico, les flics de relève l’amènent aux urgences, il passe trois jours à l’hosto et sort avec un poignet brisé et un tympan perforé. Son avocat est lucide : « C’est très difficile de porter plainte contre la police : on s’expose à être accusé de ceci ou cela. Regardez les réactions des syndicats de police à Joué-lès-Tours, c’est caricatural. On cherche toujours à enrober des violences dans un cadre légal. Pour rappel, Joan, qui a perdu un œil à cause d’un flash-ball, a vu ses demandes rejetées en cassation au bout de quatre ans de procédure. » Pour l’instant, c’est silence radio du côté des flics.
Mardi 24 septembre, 1 heure du matin, quartier populaire d’Empalot dans la banlieue de Toulouse, une voiture de police escorte des pompiers qui interviennent pour éteindre une voiture en feu. Des habitants postés aux étages des immeubles alentours, leur jettent des projectiles. Eh oui, qui travaille avec les policiers à ses côtés, n’est jamais en sécurité !
Mercredi 25 septembre à la prison de Condé-sur-Sarthe (qui mérite bien son nom : ouverte en avril 2013 c’est la plus sécurisée de France !) un détenu refuse la fouille par palpation que veulent lui imposer les matons au sortir de la promenade : il les frappe pour y échapper, ils finissent à l’hôpital.

> [ S A N S P A P I E R S N I F R O N T I È R E S ]

Ancora uno sforzo !
Encore un effort ! Fait historique : en ce moment, en Italie, 6 centres d’identification et d’expulsion de sans-papiers sur les 13 que compte le pays sont entièrement fermés. Conséquences des révoltes qui se succèdent dans ces camps, destructions, affrontements avec les forces de l’ordre (vigiles, flics, militaires), émeutes pour favoriser des évasions collectives. Un moment marquant : dans la nuit du 10 août à Crotone, un retenu de 31 ans meurt de maladie, les 50 retenus présents détruisent alors systématiquement les murs et la vidéosurveillance puis incendient les chambres et le mobilier, obligeant la préfecture à transférer les mutins dans d’autres camps. Pour un suivi détaillé des révoltes : sanspapiersnifrontieres.noblogs.org. En France, c’est un sans-papiers marocain qui s’est évadé du camp de rétention du Mesnil-Amelot (Roissy) la nuit du 30 septembre, escaladant une grille à l’aide de draps, déjouant caméras et détecteurs de mouvement. Il devait être expulsé le lendemain matin.

> [C H R O N I Q U E D E L’A R B I T R A I R E]

Les « bavures » policières ça existe aussi en Tunisie
À Sidi Alouane, près de Mahdia, dans la soirée du samedi 21 septembre, quelques jeunes se sont regroupés dans la rue, une voiture de patrouille arrive. Les flics contrôlent les jeunes et décident d’interpeller deux d’entre eux pour trafic de drogue, ceux-ci protestent et affirment vendre seulement des graines de tournesol (glibet) et des cigarettes. Un flic perd patience et sort son flingue, un autre sort de la voiture et tire à bout portant en plein sur le visage de Sabri Sfari, 22 ans. Sa mâchoire est fracassée, il est totalement défiguré. Pour le ministère de l’Intérieur, il s’agit « d’une erreur due à une fausse manip ». Pour les habitants c’est l’injustice de trop : ils manifestent le jour et s’affrontent à la police la nuit, le commissariat est pris d’assaut. Quant au syndicat des flics, voici ce qu’il déclare « certes, il existe des cas de dépassements, de la part des agents de l’ordre, mais ce n’est pas la norme, il ne s’agit pas de pratiques méthodiques… les bavures existent dans toutes les institutions et dans toutes les professions. », on se croirait presque chez nous, non ?

Chronique ordinaire de violence policière…
Une dame de 58 ans porte plainte après avoir été frappée à plusieurs reprises par un policier à Villeneuve-Saint-George. Le procureur estimant que son « comportement a facilité l’infraction dont [elle se plaint] », la plainte est classée sans suite. Lors de l’altercation, la dame a mordu le policier, en réponse ce dernier la frappe plusieurs fois au visage alors qu’elle est menottée et en plus il porte plainte…

Contrôle d’une femme voilée, la justice prend parti
Le 20 septembre dernier 3 mois avec sursis et une amende de mille euros ont été requis à l’encontre de M Khiri qui s’était interposé lors du contrôle policier de sa femme intégralement voilée en juillet dernier. Le délibéré est pour le 8 novembre prochain. Suite à ce contrôle, plusieurs jours d’affrontements avec la police s’en suivirent et forcément un tas d’arrestations. Les procès de deux d’entre eux ont été reportés au 23 octobre pour Alexandre et pour le 30 octobre pour Majid. Tous deux, poursuivis pour « violences sans incapacité totale de travail » et « rébellion », disent avoir été maltraités lors de leur garde-à-vue.

Procès contre le contrôle d’identité au faciès…
Le TGI de Paris a rendu son verdict le 2 octobre. Les 13 plaignants qui attaquaient l’État ont été déboutés. Le tribunal a estimé que c’est aux plaignants de prouver qu’ils avaient été discriminés en raison de la couleur de leur peau et que la police n’a fait qu’appliquer la loi. Les 13 ont décidé de faire appel. L’hypocrisie, teintée de racisme, de l’État ne fait que souligner qu’il n’y a pas de « bon » contrôle d’identité, au faciès ou pas.

Les membres du D.A.L33 de nouveau en garde à vue
Le 18 juillet dernier, quatre membres du Droit Au Logement de Bordeaux étaient placés en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour violation de domicile et dégradation. Le matin, 25 policiers avaient été mobilisés pour perquisitionner leur appartement.
Deux mois plus tard, les quatre mêmes, plus une camarade, sont convoqués pour une audition libre au commissariat. Pas si libre que ça puisqu’ils sont aussitôt encore mis en garde à vue. 10h plus tard, les voilà de nouveau libres.
Tant d’acharnement à criminaliser ceux qui font preuve de solidarité envers les plus démunis nous montre que la Valls de la répression n’en a pas fini de tourner.
http://soutien-m.over-blog.com/nouvelle-garde-%C3%A0-vue-pour-m.-et-les-membres-du-d.a.l-33

Zyed et Bouna, huit ans après…
les deux adolescents et leur ami Muhttin fuyant la police se réfugient dans un transformateur EDF. Les échanges radio des flics sont clairs : « s’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau ». Zyed et Bouna sont morts électrocutés le 27 octobre 2005, et leur ami Muhttin gravement blessé. Huit ans après nouveau rebondissement, la cour d’appel de Rennes a décidé, vendredi 20 septembre, de renvoyer en correctionnelle deux des policiers impliqués. Cette fois les flics ne seront plus poursuivis pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui, mais pour non-assistance à personne en danger. Un pas en avant, deux pas en arrière… Mais qui s’en étonne encore ?

Youcef Wateli, un mois après…
Dans la nuit du 5 au 6 septembre à Eybens, près de Grenoble, la BAC intervient au pied d’une cheminée où campe un père depuis deux mois pour protester contre le sort réservé par la justice aux pères séparés. Youcef Wateli, 39 ans, un militant de l’association leur demande de baisser leur projecteur. Il est frappé au ventre, il tombe à terre, est menotté et placé dans le véhicule banalisé de la BAC. L’ambiance est tendue, et la suite est moins claire. Pour les flics « il s’est produit un événement qui n’arrive jamais » dixit un haut responsable, l’homme assis à l’arrière, menotté dans le dos réussi à prendre le contrôle du véhicule. Les flics réquisitionnant la voiture d’un témoin se lancent à sa poursuite, la course se termine non loin de là dans le portail de la gendarmerie… Le tribunal correctionnel de Grenoble condamne Youcef le 2 octobre à 1 an de prison, dont 6 mois fermes.

Le juge pour qui les Rroms « pillent la France »
Le 16 septembre, au tribunal correctionnel de Toulouse, quatre Rroms sont poursuivis pour vol de cuivre. Le président du tribunal correctionnel lance : « vous ne pensez pas que la France en a assez des vols commis par les Rroms ? » ou encore « pensez-vous que nous allons vous laisser piller la France ainsi ? »… Le délibéré ne fait aucun mystère : un an de prison ferme, et 41 000 euros d’amende. Comptes rendus d’audiences sur http://rebellyon.info/+-Recits-de-comparutions-immediates-+.html

Maires socialistes ; halte au racisme anti Rrom
Des citoyens argenteuillais se sont indignés du soutien apporté par leur député-maire, Monsieur Doucet, aux côtés d’autres élus socialistes, dans le JDD du 28/09, à la politique du Ministre de l’Intérieur concernant les Rroms. Ils ont appelé à un rassemblement qui s’est tenu devant la Mairie Vendredi 4/10, pour exiger le retrait de cette signature de soutien aux propos racistes de Valls, qui déclare les Rroms « délinquants » et « inintégrables ». Ces mêmes citoyens d’Argenteuil ont décidé d’appeler les citoyens de toutes les villes concernées à adresser la même exigence à leurs élus par des rassemblements et la signature d’une pétition nationale.
http://www.petitions24.net/propos_racistes_de_valls_sur_les_rroms_pas_en_notre_nom

Wissam El Yamni…
… se fait interpeller, suite à un jet de pierre, à Clermont-Ferrand le jour de l’an 2012. Selon les nombreux témoins, de nombreux policiers vont le lyncher puis le conduire au commissariat où il tombera dans le coma. Il décédera le 9 janvier. D’expertise en contre-expertise et autopsie bâclées, basées sur des éléments douteux, obtenus sur un corps non gardé dans le froid, on conclut à une intoxication du cœur via la drogue. Les graves lésions visibles sur le corps seraient dues « aux frottements » (!). Les avocats ont demandé une nouvelle expertise, basée sur les éléments les plus récents.
En dépit des difficultés matérielles, des pressions de toutes sortes, la famille et le collectif de soutien ne lâcheront pas. La vérité sur la mort de Wissam verra le jour.

Le procès de Christine
a eu lieu le 19 septembre à Arras. Cette bergère de 42 ans qui est incarcérée depuis novembre 2012 (voir RE 120 ; 122) se retrouve à nouveau au tribunal accusée de violence sur matons. Son parcours carcéral est émaillé d’incidents ayant un élément déclencheur identique : la détenue demande à faire valoir ses droits, et ce de façon radicale, car les textes, elle connaît, « contrairement à l’immense majorité des personnes enfermées », rappelle-t-elle. Alors que l’expert psychiatre préconise de recourir au sursis, le parquet requiert un nouvel allongement d’un an de sa peine de prison. Décision le 21 novembre.

À Brest une voiture de police,
gyrophare et sirène éteints, a renversé et tué une jeune femme de 19 ans. La voiture revenait d’une intervention et ramenait au poste une personne qui était « agitée » ce qui expliquerait l’accident selon le conducteur… mais cet accident nous en rappelle d’autres…

 

> [ A G I R ]

Manifestation « Liberté pour Georges Abdallah ! »
30 ans de prison, 30 ans de résistance ! Le 26 octobre 2013 RDV à devant la gare de Lannemezan à 14 h. Appel à signatures ; co-voiturages depuis la région parisienne : liberonsgeorges@no-log.org ; info : http://www.demosphere.eu/rv/27632

Poitiers 12-13 octobre 4e forum anti répression
Après le 1er forum des 5-6 décembre 2009 (réponse à la répression de la manifestation anti carcérale du 10 octobre), c’est le 4ème, une occasion d’échanger des expériences et de débattre sur l’évolution de plus en plus répressive.
Infos : http://www.antirep86.fr/2013/10/02/poitiers-12-13-octobre-2013-4e-forum-antirepression/