Qui peut encore dire que nous sommes à l’abri de la misère vous et moi ? A Caen et dans tout le Calvados depuis le mois de mai, l’austérité montre ses ravages et s’attaque aux plus exclus, aux indésirables, aux parasites : les personnes disposant d’hébergements d’urgence. Dès ce milieu d’année, les crédits 2013 du département alloués à ce domaine sont à sec et des centaines de personnes sont mises à la rue. Décryptage.

 

« Les enfants ont eu très froid la nuit dernière. Heureusement que l’association nous a laissé une tente ». C’est vrai qu’il faisait encore froid cette nuit de début juin, comme si le printemps s’amusait à laisser traîner l’hiver. Comme s’il fallait que le calvaire de ces gens soit intégral. Quand nous les rencontrons, cela fait trois semaines que la famille de Naranbaatar et Chuluun [NDLR : prénoms modifiés] n’a plus de toit. Trois semaines que leurs gamins de 3 et 5 ans ne vivent plus en enfance. Trois semaines que ces demandeurs d’asile chinois venus de Mongolie Intérieure sont – comme des dizaines d’autres – sans hébergement. Ils sont les visages bien réels de l’arithmétique austéritaire.

Les dispositifs d’urgence
Les associations le redoutaient depuis déjà longtemps. L’État ne veut plus dépenser pour mettre les gens à l’abri, et encore moins lorsqu’il s’agit d’étrangers. Comment fonctionnent les dispositifs d’urgence ?
Français ou étrangers, munis ou non d’un titre de séjour, les gens souhaitant être mis à l’abri sont majoritairement orientés par le service de Veille Sociale 115. Ils peuvent ainsi disposer de places dans des structures pérennes (308) ou être logés dans des hôtels ou des studios meublés (jusqu’à 720 places). Les demandeurs d’asile, eux, sont sensés obtenir une place en Centre d’Accueil pour les Demandeurs d’Asile (CADA). Pour assurer ces dispositifs, l’État via la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) dispose de deux lignes de crédits budgétaires : le programme (ou BOP) 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » pour l’hébergement des personnes dites de droit commun, et le BOP 303 « Immigration et asile » pour l’hébergement des demandeurs d’asile. Ces enveloppes représentent environ 4 petits millions d’euros par an pour le Calvados. Or pour 2013 la première est épuisée depuis fin juin et l’autre devrait l’être d’ici août.

Pourquoi la situation est-elle aujourd’hui critique ? La préfecture aime indiquer dans ses communications qu’elle subit ces dernières années des demandes d’hébergement en hausse, notamment pour les demandeurs d’asile. Elle alimente ainsi l’idée d’un appel d’air insupportable dans le département lié à un laxisme de sévérité et un excès d’accueil durant les années précédentes. Et dans les chiffres ? Pour les quatre premiers mois de 2013 l’augmentation serait de 40 % par rapport à 2012, soit près de 200 nuitées quotidiennes dont 165 demandeurs d’asile.
Certes il y a eu une augmentation du nombre de demandes, mais elle est loin d’expliquer à elle seule la situation budgétaire catastrophique entraînant des drames humains, et ne constitue nullement une justification de cette politique de rejet. Le Préfet oublie surtout de dire que ses crédits, déjà largement insuffisants chaque année compte tenu des besoins et de ce que l’on peut attendre d’un pays riche comme le nôtre, ont baissé de 8 % pour la ligne 177 et de 27 % pour la ligne 303 ! Enfin, n’ayant déjà à l’époque plus d’argent, la Préfecture a payé les deux derniers mois de 2012 sur l’exercice 2013…
Un avis parlementaire rédigé au nom de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée portant sur le projet de loi de finance 2013 met en évidence que les dotations budgétaires sont en permanence sous-évaluées par rapport aux besoins réels de l’ensemble du territoire (même si globalement l’écart se serait réduit, passant de 124,3 % de taux d’exécution en 2008 – c’est à dire la consommation de l’enveloppe – à 104,7 % en 2011).

 

Tous dehors !
La situation est donc simple, l’État fout tout le monde dehors pour la simple raison qu’il rencontre trop de misère et qu’il n’y a plus de sous ! Pourtant la loi est claire. Selon le Code de l’action sociale et familiale : « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». Il prévoit en outre une continuité de la prise en charge. D’ailleurs plusieurs délibérations du Conseil d’État (27/10/2010) faisant lieu de jurisprudence le confirment, et récemment une ordonnance du 10/02/2012 a même hissé cet accueil inconditionnel au rang de liberté fondamentale.

Par contre le Préfet semble prêt à loger les personnes [étrangères] à une condition : qu’elles s’engagent à quitter le territoire ! Voilà toute la lumière POLITIQUE de cette mascarade. Il s’agit d’instrumentaliser l’accueil en faisant penser qu’il y a trop d’étrangers, qu’ils sont un poids insupportable et qu’ils ont vocation à repartir. Mettre des gens à la rue avec des bébés de quelques semaines est une arme de plus de gestion migratoire et d’exclusion dictée par la xénophobie. Et au-delà des étrangers, toujours en première ligne dès qu’il s’agit d’attaquer et restreindre des droits, ce sont tous les pauvres et les précaires qui sont visés afin qu’un jour l’État n’ait plus à assister ces boulets…
Décoration du PS14 lors de la manifestation du 18.07.13
Qu’elle est belle votre politique social[ist]e MM. Hollande et Valls ! Qu’elles sont belles les valeurs de l’extrême droite répandues jusqu’à ce que certains appellent encore la gauche dans une indécence inouïe ! Des gens dorment à la rue, dans des parcs ou des voitures, d’autres vacillent d’appartements en appartements, chez des amis ou des bénévoles d’associations… Tout cela pour les (…)

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