« De l’éruption des volcans dans les métropoles : le 1er mai rallongé

Created by : Volcan Grimsvötn. Dignité Liberté Justice. Created on : 02.05.2013 – 10h52.

(Ce qui suit aurait pu être annoncé sur un quai de S-Bahn berlinois ce matin) « En raison de sabotages, la reprise de la production sera retardée. Merci de votre compréhension. Le 1er mai est rallongé, profitez-en ! »

« Vous entendez ? C’est le bruit de votre monde qui s’écroule. C’est le son du nôtre qui resurgit. Le jour qui fut était la nuit. Et la nuit sera le jour.».

C’est ce qu’ont déclaré plus de 40 000 indigènes insurgé*e*s le 21/12/2012 lors d’une marche silencieuse dans le sud du Mexique. En se révoltant en 1994 contre le traité de libre-échange, les insurgé*e*s réclamèrent leur droit à la vie. Ils s’opposèrent également à la dynamique capitaliste, par laquelle i*elle*s se considéraient et se considèrent menacé*e*s.

Nous répondons depuis la jungle des Métropoles : « Nous vous avons entendu ! »

Nous voyons ce qui est : un monde pillé, usé jusqu’à la corde. On fait passer mouvements de populations, famines, inondations et sécheresses pour naturelles alors que ce sont les conséquences de rapports sociaux. Lutte matérielle et mentale pour la survie, concurrence, forteresse Européenne, guerres…et pendant ce temps on protège le Capital, au lieu de liquider les banques, de stopper la Bourse, au lieu d’enfin commencer à gérer autrement l’économie, à vivre autrement.
Nous voulons paralyser l’activité ici-même pour soutenir les gen*te*s en Grèce, en Espagne, au Portugual, à Chypre…et aussi tous les peuples indigènes qui se battent pour une autre vie. L’agitation dans le sud de l’Europe et sur les autres continents, la paix qui règne ici : une seule et même situation.
C’est de là que vient notre apport au 1er mai, apport aussi pratique que théorique.

Nous avons stoppé, ou plutôt réduit les transports (trafic grandes lignes, trafic urbain, transport de marchandises), la circulation du S-Bahn fraîchement rénové, et la télécommunication en plusieurs endroits du sud-ouest de Berlin. Cela a touché les zones résidentielles « favorisées », les transports en commun de ce matin, internet et la téléphonie mobile. Nous n’avons mis à aucun moment la vie d’être humain*e*s en danger.
Nous avons rallongé le premier mai, jour par excellence de la classe ouvrière. Nous avons interrompu de manière éphémère cette Normalité destructrice. Cette Normalité qui se base sur la technologie des réseaux et de la circulation. Cette Normalité de la routine du travail, de la routine de l’exploitation.

À la fin du XXème siècle, le FMI et la banque mondiale ont développé des « programmes d’ajustement structurel » pour les pays endettés du Tiers-Monde. Cette stratégie est aujourd’hui utilisée pour un pays européen entier, la Grèce. Et elle se profile à l’horizon de tou*te*s les êtres humain*e*s d’Europe. La Grèce, la Chypre sont des laboratoires. On y teste le seuil de pauvreté jusqu’auquel on peut pousser les gen*te*s, les limites de l’expropriation. Ce modèle pourrait ensuite être appliqué à toute l’Europe. Et il a un nom : agenda 2020. De notre point de vue, les limites ont été dépassées depuis longtemps. Nous pourrions citer en guise d’exemple la deuxième hausse de prix des transports en commun cette année à Berlin. Ou le S-Bahn flambant « rénové » à des fins de privatisation et de démantèlement. Ou encore le nouvel aéroport BER, ce puit sans fond qui a déjà englouti des milliards. Au passage, le seul délai de construction qui a été tenu pour cet aéroport est celui du centre de rétention. Ou nous pourrions parler des prix de location et d’habitation qui explosent. Ou des flics qui filment et photographient les manifestant*e*s à chaque manifestation.

La crise actuelle n’est pas le premier signe de la désolation sociale. Mais au travers de la crise actuelle, nos perspectives de vie subissent une nouvelle vague d’attaques. Le diktat des élites économiques européennes, la Troika, pousse les élites politiques à imposer l’austérité en Grèce, à Chypre, mais aussi en Italie, au Portugual, en Espagne…cette austérité ne fait que peser sur des gen*te*s qui ne sont absolument pas responsables de l’endettement et ne profitent pas du tout du capitalisme financier. Cela se produit sous nos yeux, sans camouflage : l’austérité touche les pauvres et les très pauvres ainsi que la petite-bourgeoisie. Pas les riches. Pas les trusts. Pas les banques. Pas la répression. Pas l’armée.

Nous avons observé les syndicats allemands, ceux qui prétendent agir dans la rue le 1er mai, laisser tomber ou même bloquer les luttes internationales. L’année passée, lors de la journée européenne d’action contre le capitalisme, ailleurs, des centaines de milliers de gen*te*s étaient dans les rues. Pendant ce temps, à Berlin, une poignée de syndicalistes rameutaient quelques dizaines de gen*te*s à la porte de Brandeburg – « C’est toujours ça » pourrions-nous dire avec cynisme, si ce n’était pas si symptomatique : en effet, en défendant le concept de partenariat social, les leaders syndicaux allemand*e*s servent le capital national. Malgré le fait que cela les ait précipité*e*s dans la crise, i*elle*s essaient de modeler le syndicalisme européen à l’image du modèle allemand de la cogestion. I*elle*s se soumettent ainsi aux prescriptions systémiques de la stratégie transnationale du capital. Les employé*e*s qu’i*elle*s représentent restent des facteurs de production flexibles, loins d’être « too big to fail ». Remettre le système entier en question reste tabou malgré la crise permanente. Pendant ce temps, le capital déménage ses centres de production crades et mortels d’un pays pas cher à un autre, et fait venir des travailleuses*travailleurs pas cher*e*s vers les Métropoles. Il manque aux campagnes syndicales la radicalité qui s’impose. Elles boitillent derrière les nécessités sociales – actuellement, en revendiquant un salaire minimum et la réduction du travail intérimaire. Ce qui est nécessaire, c’est d’organiser des grèves générales à partir de structures non hiérarchisées, syndicales et sociales. Des grèves générales et internationales qui stopperaient la création de plus-value et placeraient ainsi le mode de production capitaliste au centre de la critique.

Les manifestations qui ne font que clamer « Nous ne payerons pas votre crise ! » nous dépriment tant que nous restons bel et bien celles*ceux qui devons raquer pour les dettes des folles*fous de la croissance. Blockupy 2012 à Francfort-sur-le-Main a dévoilé l’existence de l’état policier. Ses troupes attendaient dans les casernes, prêtes à agir en cas de besoin, menaçantes. Certain*e*s « managers de mouvements sociaux » essaient de nous vendre ces manœuvres dignes de guerres civiles comme autant de signes de succès…pas à nous.

Nous pourrions nous laisser attaquer et disperser par la police, comme lors du 1er mai de l’année passée à Berlin. Nous pourrions, comme cette année, défiler jusqu’à l’épuisement dans le quartier de Mitte, le quartier du gouvernement, mort, sécurisé. Le sabotage nous permet d’avoir le même effet qu’une manifestation, mais autrement. Nous souhaitons que notre attaque soit perçue comme une alternative ou un complément à la ritualisation de la « fête du premier mai » , imposée par la répression. Il se pourrait bien que cette fête ne nuise plus du tout au pouvoir.

Grève générale – mode pause – le sabotage comme grève sociale – la grève comme sabotage social

Notre action s’inscrit dans la lignée de celles*ceux qui s’organisent loin de toute autorité étatique, de tout parti, de tout syndicat. Celles*ceux qui prônent la grève générale.

S’il y a grève générale, ce sera sans l’aide des syndicats et des partis. Une grève générale vient d’en bas et non pas des parlements. Elle s’oppose au spectacle démocratique et au vote, c’est-à-dire au changement régulier de personnel dirigeant*e. Nous bloquons la Métropole avec nos propres moyens. Nous sommes le grain de sable dans cette machine à création de plus-value. L’autre volcan a appelé ça le « mode pause », cela nous a beaucoup plu.

Depuis plus de trente ans, les mouvements sociaux sont acculés par les attaques néo-libérales. C’est donc sur la défensive que nous nous exprimons et agissons. Pourtant nous croyons toujours à la possibilité d’une grève générale et internationale. Que cela soit clair : pour nous, cette grève ne doit ni rester un rêve lointain, une illusion, ni être la mise en scène d’une avant-garde politique. La police et l’armée se préparent depuis longtemps à un soulèvement en Allemagne. Pendant ce temps, i*elle*s fournissent armes, équipement, know how & formation à d’autres pays, et pas seulement à la Grèce. Nous voulons soutenir les soulèvements dans ces pays en intervenant ici-même pour une grève générale.

Notre action est semblable à une grève parce qu’elle perturbe la création de plus-value et les blocs fonctionnels.
Le groupe « L’éruption d’Eyjafjallajökull » l’a résumé avec le terme « le sabotage comme grève » : « Rien ne semble moins probable qu’une grève générale, qu’un sabotage social qui interromprait le continuum de l’exploitation et de l’oppression – et rien n’est plus nécessaire. (…) Il est possible de détruire les réseaux, les infrastructures qui nous lient à cette routine mortelle. »

Avec notre action, nous nous rallions à la proposition stratégique de « grève comme sabotage social ». Malheureusement, il manque à notre action la dimension sociale d’une grève politique, d’une mobilisation générale contre l’autorité et l’exploitation. Nous regrettons qu’elle ne puisse pas répandre les mêmes expériences de résistance, la même force. Mais même depuis une position défensive nous pouvons mener des actions offensives avec l’effet d’une grève. Notre action a interrompu les flux de mobilité et de télécommunication, et donc le dynamisme nécessaire à la création de plus-value et la maximisation des profits. C’est ce dynamisme réduit les êtres humain*e*s à des matériaux qui consomment ou qui produisent, qui nous maintient tou*te*s dans cette situation dégueulasse. En sabotant les flux de marchandises, les transports et la circulation d’informations, nous perturbons et interrompons cette situation a-sociale, même si ce n’est que partiellement, que ponctuellement, même si ce n’est pas au sein d’un vaste mouvement social. Le sabotage comme grève, comme rupture avec le déroulement habituel des choses, comme interruption du fonctionnement normal des réseaux, veut également dire arrêter d’être complice, de participer ou de ne rien faire.

Au siècle dernier, le sabotage et la grève avaient lieu dans les usines. Aujourd’hui, notre lieu de travail est notre vie de tous les jours. Poussé*e*s à nous vendre du mieux que nous pouvons, nous sommes forcé*e*s à utiliser les réseaux comme autant d’outils de travail. Nous coordinons, organisons tout nous-mêmes depuis ces réseaux. Nous sommes tou*te*s esclaves, que nous soyons expert*e en self-marketing ou employé*e pas cher*e. Nous sommes lié*e*s à la création de plus-value au niveau local et global. Le sabotage de la Routine nous aide à créer d’autres perspectives de vie, de nouveaux espaces, de nouvelles socialités loin de l’autorité et de l’exploitation qui se basent sur les technologies d’information et de communication.

Nous préférons répondre dès maintenant à l’argument : « Avec cette action, vous n’atteignez pas les responsables ». Cet argument se base, volontairement ou pas, sur l’idée qu’il existe des responsables. I*elle*s n’y en a pas. Nous attaquons les infrastructures, nous détruisons les réseaux afin de stopper la dynamique qui nous lie tou*te*s à ce système de pouvoir et d’exploitation. C’est cette dynamique qui fait de nous tou*te*s les complices de destructions, de meurtres. Nous avons quelques principes de départ :

1 – sabotage d’infrastructure ne mettant pas en danger la vie d’êtres humain*e*s
2 – soutien aux grèves, organisation de différents soulèvements se soutenant les uns les autres. Le tout au niveau international : nous avançons, nous cherchons des formes adéquates de résistance et de solidarité, de manière locale et internationale. Nous tenons donc à exprimer notre solidarité avec les soulèvements qui luttent depuis 520 ans contre la colonisation et ses conséquences. Nous soutenons les revendications pour la fin de la guerre « de basse intensité » du gouvernement mexicain contre toutes les communes Zapatistes !

Depuis la jungle des Métropoles, nous répondons :

« Nous entendons. C’est le bruit de leur monde qui s’écroule. C’est le bruit du nôtre qui resurgit »

« Volcan Grimsvötn. Dignité égalité justice ».

1 : Le S-Bahn est l’équivalent du RER parisien à Berlin.
2 : La « Myfest », fête de mai, a été lancée à Berlin en 2003. Elle a lieu tous les ans à Kreuzberg, le 1er mai, dans le but de réduire la violence et les émeutes. Elle est surtout destinée aux jeunes, aux enfants, on y trouve des activités culturelles, des concerts… la police de Berlin et le quartier Friedrichshain-Kreuzberg soutiennent cette fête. Malgré cela, elle a été et est considérée comme un moyen de s’exprimer par des structures « de gauche », on y trouve donc par exemple un « Barrio Antifascista »… Source : http://de.wikipedia.org/wiki/Myfest »

Source : https://linksunten.indymedia.org/de/node/85080 (traduit de l’allemand)

Note des traductrices*traducteurs : Cette traduction est naturellement loin d’être parfaite et peut créer des malentendus ou des gênes lors de la lecture. Au mieux, si vous le pouvez, trouvez quelqu’un*e qui parle allemand et relisez le texte original ensemble. Vous pouvez évidemment la modifier pour l’améliorer. Et faites tourner tant que vous voulez !
La neutralisation (« traductrices*traducteurs » par exemple) correspond à la forme allemand de neutralisation « Innen » (« ÜbersetzerInnen ») ou à des pluriels au genre neutre. Parfois, cette neutralisation n’était pas présente dans le texte original et c’est nous qui l’avons ajoutée. De plus, nous avons utilisé le caractère « * », qui est à notre sens un moyen d’inclure les personnes ne s’identifiant pas aux catégories du système de genre binaire « homme/femme ».