Mais disons le crûment : on ne construit rien sur des cadavres, le culte de la charogne n’a toujours conduit qu’à édifier de nouvelles cathédrales. Nos luttes n’ont besoin ni de saints ni de martyrs laissons cela aux cul-bénits. Cela n’enlève rien à la douleur.
Après la mort d’un individu, il reste un tas de chairs et d’os voués à disparaître. Pour autant il ne reste pas rien, les sentiments et les passions suscitées par cet assassinat chez de nombreuses personnes sont bien réels. La façon dont cette mort résonne chez tout-es cell-eux qui subissent la pression et les agressions des groupes d’extrême-droite à une saveur acre. Il reste à tout ceux qui l’on côtoyé leurs souvenirs de ces instants, et ça personne ne le leur enlèvera.
La façon dont chacun alimente sa rage et sa révolte avec ses souvenirs et ses sentiments, et celle dont il souhaite les partager ne regarde que soi.

Chaque mort est par essence sans lendemain, mais il reste tout ce qui nous entoure. La réalité des luttes qu’on mène et des coups qu’on se mange dans les manifestations quotidiennes de la guerre sociale. On a vu beaucoup de gens descendre dans la rue, se rassembler sous le coup de l’émotion, et c’est très sain. Il y avait plus de monde que d’habitude et c’est bien là le problème, on se retrouve à dix quand il s’agit de lutter aux cotés de sans-papiers ou de défendre un squat. On ne suscite plus que des regards apitoyés ou amusés quand on parle d’essayer une société sans état, ou de partager les richesses et le travail.
Clément est mort on accuse le choc, mais on luttait déjà avant et on continuera de lutter contre toutes les formes de domination y compris le fascisme. Il ne faut pas se voiler la face, des coups on continuera à en manger et des morts sous les coups des fascistes ou de l’état on en verra d’autres. Manque de peau. La cicatrice de chaque coup qu’ils nous infligent, le souvenir de chaque compagnon dont le cadavre jonche maintenant le bas-coté du chemin vers notre liberté ne font que renforcer notre rage et notre détermination quand à la destruction de l’ordre social en place et de toutes hiérarchies.

Ce qu’il y à combattre ce n’est pas seulement le fascisme et les groupuscules d’extrême-droite au nom de la sauvegarde de la démocratie. Mais bien le capitalisme et l’état, les politiques sécuritaires et racistes qui sont nécessaires à la perpétuation de la domination et de l’exploitation. Il n’est nulle répression qui puisse réparer ce qui a été commis, aucune peine même la peine de mort n’a jamais réparé un meurtre par une quelconque équivalence métaphysique ou alchimique.
La vengeance quand à elle, reste à l’appréciation de ceux qui ont un affront à venger. Elle est une solution parmi tant d’autres ni bonne ni mauvaise, à chacun de juger de sa légitimité et d’en apprécier les conséquences.

Pendant ce temps là ceux qui nous gouvernent, l’état, vont y trouver prétexte à renforcer leurs dispositifs de contrôle au nom de la lutte contre les « violences extrémistes ». Ils laisseront les violences entre groupes « extrémistes » se développer, et en profiteront pour enfermer et réprimer tout ce qui dérape. Ils se poseront en chevaliers blancs de la lutte antifasciste en faisant condamner lourdement les agresseurs ou en dissolvant deux ou trois groupuscules ; eux, qui raflaient pour expulser des sans-papiers le jour même à Barbès, rasent les camps de roms, quadrillent villes et banlieues avec leurs flics ne font que véhiculer les représentations qui font aujourd’hui le lit de l’extrême-droite. Si aujourd’hui le fascismes est dans toutes les têtes, c’est aussi de leur faute.
On verra toute une bande journalistes charognards, de politichiens en mal d’audience et de récupérateurs divers se disputer le cadavre de Clément, pour en tirer quelques bénéfices.
On les verra appeler à l’unité derrière la bannière d’un front antifasciste, et appeler les gens à accepter le dialogue social pour ne pas faire le jeu du fascisme et du populisme. La pacification sociale ne cesse d’œuvrer. Dans le capitalisme vert, tout est recyclable…

Il y a un antagonisme irréconciliable entre dominants et dominés qui traverse la société. Et lutter contre le fascisme sans remettre en cause le capitalisme et l’existence de l’état est aussi inutile qu’un peigne pour un skinhead.
Quand on lutte aux cotés de sans-papiers, pour les squats, contre le sexisme et le patriarcat, pour la défense de la terre ou contre la marchandise. On attaque ce qui fait le cœur du fascisme comme de la démocratie : la domination et l’autorité.
Non seulement on ne laisse pas prise aux préjugés et à l’atomisation sociale qui enferment beaucoup trop d’individus dans la résignation. Mais en plus on expérimente et essaie de vivre au quotidien dans nos luttes et dans nos cercles, des rapports sociaux horizontaux à mille lieux des de la misère de l’aliénation. De cette manière on crée à travers notre présence, nos liens et nos affinités, dans les lieux qu’on fait vivre, des espaces où la haine des dominés ne se tourne plus vers leur semblables, mais vers ceux qui les dominent ou qui contribuent à perpétuer l’ordre social.

C’est dans la solidarité, le sabotage et la lutte contre toute autorité que nous lutterons efficacement contre le fascisme. La mort de Clément a été l’occasion de nous retrouver dans la rue, elle nous a rappelé ce pourquoi nous luttons. Ne laissons pas ce choc sans lendemain. Car rester bras ballants comme un spectateur, c’est laisser aux politichiens et aux récupérateurs le soin de régler le problème de l’extrême droite ; et dire que le problème se limite à l’extrême droite c’est accepter le système qui crée les conditions objectives favorisant ces assassinats.

Il faut redouter plus le silence des pantoufles que le bruit des bottes.

Devenons incontrôlables, nous ferons la révolution dans un charivari de claquettes.

Pour l’anarchie…