Les stratégies d’usure et de division des communautés de la municipalité d’Atenco employées afin de déposséder les ejidatarios [1] de leurs terres vont de la tentative du gouvernement fédéral d’ex
proprier les terres en 2001 (décret annulé en 2002 du fait de l’opposition des habitants), à des formes d’étranglement social, politique, économique et de environnemental.

Depuis 2003, lorsque Peña Nieto était gouverneur de l’Etat de Mexico, différents projets de construction d’infrastructures ont été mis en place afin d’urbaniser la région de Texcoco au détriment des terres agricoles. Cela, suivant des stratégies recourant sans honte aux abus et à l’illégalité de la part des gouvernements de l’Etat et du gouvernement fédéral, ainsi que des entreprises transnationales, afin de permettre l’acquisition des terrains.
Un exemple : l’entreprise OHL – conglomérat de sept entreprises espagnoles dont le nom au Mexique est OHL Concesiones –, à qui a été attribuée une concession pour la construction des quatre morceaux du périphérique extérieur de l’Etat de Mexico [2]. OHL a sous-traité à l’entreprise « Alter Consultores SC » la déstructuration de la propriété sociale de deux de ses projets.

Le directeur d’Alter s’appelle Julio Antonio Virgen Camaño, et était auparavant délégué au secrétariat de la justice agraire de l’Etat de Mexico. Il a donc une connaissance pleine et entière de la situation de chacun des ejidos de la zone, et sa compagnie cherche à acheter les terres des ejidos [1] d’Acuexcomac, de San Salvador Atenco et de la colonie Francisco I. Madero, et se présentent comme experts dans la résolution des « conflits agraires ».

Les ingénieurs Andrés Ixmatlahua Lemus et Alvaro Paredes Pérez se sont ainsi présentés aux commissaires des ejidos des trois communautés. Ils cherchent à acheter les terres afin de réaliser le tronçon de l’autoroute Peñon-Texcoco, qui traverse les 3 communautés et se connecte à la voie rapide reliant la municipalité d’Acolman à Tulancingo, Etat d’Hidalgo. Ces opérateurs techniciens sont aux ordres de Roberto Muñoz Espinoza qui était, quelques années auparavant, visiteur agraire au sein du secrétariat de la justice agraire.

Les représentants d’Alter Consultores ont tenté de tromper les paysans des trois communautés afin d’acheter leurs terres. Ils sont allés leur parler maison par maison. A San Savador Atenco, 33 ejidatarios d’une zone connue sous le nom d’ « el gapuchin » ont été visités, en leur disant que les ejidatarios de la colonie Francisco I. Madero avaient déjà vendus. Puis, ils allèrent visiter 43 ejidatarios d’Acuexcomac en leur disant que San Salvador Atenco avait déjà vendu.

Le 6 mai2012, l’assemblée ejidale de San Salvador Atenco refusa de vendre les terres ; à Acuexcomac, l’assemblée est sur le point d’avoir lieu. Les ingénieurs argumentent du fait que l’article 27 constitutionnel a déjà changé et qu’il est aujourd’hui possible de vendre sans passer par l’autorisation de l’assemblée ejidale, même si les ejidatarios ne possèdent pas la pleine propriété de leurs parcelles , ce qui est un énorme mensonge. Ils trompent également les paysans en leur disant que dans les prochains mois serait réactivée une expropriation de ces terrains, ce qui est également faux, au regard de la dérogation faite au décret d’expropriation faite en 2002.
D’un autre côté, parmi les infrastructures construites par l’Etat de Mexico, les travaux de drainage du tunnel d’émission est, réalisées afin d’évacuer les surplus d’eau, attirent également l’attention. Ces travaux sont le point de départ d’un soi-disant « projet écologique » dénommé « Zone d’atténuation et de sauvegarde écologique du lac de Texcoco, promu depuis 2008 par la « CONAGUA », Commission mexicaine chargée des ressources aquifères, et dont 80 % des financements sont destinés à l’achat de terres.

Afin de réaliser ce projet, la Conagua a acheté des terres collectives ejidales à Ixtapan et Nexquipayac [deux bourgs dépendant de la municipalité d’Atenco] , où, dans ce dernier cas, la commission est allée chercher un à un les ejidatarios, leur proposant 200 à 250 pesos (12 à 15 euros) par mètre carré, et son aide juridique afin de permettre la redéfinition de la propriété sociale en propriété privée.

A San Salvador Atenco [bourg central de la municipalité], la vente des terres à été refusée en 2010 lors d’une assemblée ejidale. Néanmoins à Nexquipayac, les ejidatarios, bien que n’ayant pas juridiquement la pleine possession de leurs terres en propriété privée – la phase finale du programme appelé « PROCEDE » [programme destiné à permettre la division en propriété privée des des terres collectives ejidales] n’ayant pas été mené à terme, vendirent à la Conagua, qui s’était préalablement chargée de les convaincre maison par maison, sans passer par l’assemblée ejidale. Cette achat-vente de terres à Nexquipayac est donc de fait illégal.

Une stratégie d’usure employée contre les paysans passe par le biais de la fourniture d’eau. A san Salvador Atenco, Acuexcomac et dans d’autres noyaux agraires de la municipalité, la Conagua freine depuis 2000 la modernisation des puits utilisés pour l’irrigation des cultures.

Dans l’ejido de San Salvador Atenco, il existe sept puits d’irrigation agricole, tous gérés par les sociétés ejidales en charge de la gestion des zones d’irrigation agricole, et correspondant administrativement au bassin de la vallée de Texcoco/Cuautitlan, qui oppose systématiquement son veto à l’ouverture de nouveaux puits à destination des ejidatarios, avec pour argument la surexploitation de l’eau du sous-sol. Toutefois la zone de Texcoco-Chimalhuacan a vu le développement de divers complexes commerciaux bénéficiant de l’ouverture d’un ou de plusieurs puits afin de permettre leur approvisionnement en eau. Et dans le cas du développement de différents lotissements « d’intérêt social », notamment des « maisons ARA » [du nom de l’entreprise de construction], d’autres puits ont été ouverts, malgré la dévastation existante dans le bassin hydrographique de l’est de l’Etat de Mexico.

La concession des puits, attribuée par la Conagua, doit être rénovée tous les 5 ou 8 ans ; en cas de non prise en charge, la punition consiste en une amende liée au retard de paiement. Dans le cas des puits d’El Amanal et d’El Espiritu Santo de l’ejido d’Atenco, et de La Purisima, de l’ejido d’Acuexcomac, les paysans n’ont pas pu rénover leurs concessions, et se virent fermer les puits à l’aide d’une plaque soudée portant la légende « Inviolable ». Les puits de La Purisima et d’El Espiritu Santo sont situés au bord du ruisseau San Bartolo, précisément dans la zone que prétend acheter la société Alter Concesiones.

Les ejidatarios sont également l’objet de charges exagérées et injustifiées au sujet de la fourniture d’énergie nécessaire au fonctionnement des puits. Vu qu’ils ne peuvent pas payer, le service leur est coupé. Ils ont également eu affaire au vol des installations électriques, comme les transformateurs et les panneaux électriques, au puit d’El Espiritu Santo.

La perte des capacités d’irrigation des parcelles pour ces motifs freine la capacité productive agricole, poussant les ejidatarios d’El Espiritu Santo à concevoir comme une solution viable la vente de leurs terres. Mais les hameaux voisins proposent quant à eux de leur fournir l’excédent d’eau des autres puits afin de les aider ; cela, dans la perspective de la résistance et de la lutte pour la défense de la terre.

Traduction : siete nubes

NOTE [1]: un ejido désigne, au Mexique, la propriété collective attribuée à un groupe de paysans pour y effectuer des travaux agricoles. Les ejidos sont gérés au travers d’ « assemblées ejidales » rassemblant les ejidatarios, et procédant à la nomination, tous les trois ans, de commissaires d’ejido, révocables par l’assemblée. L’existence de cette figure juridique de possession de la terre, inspirée des coutumes paysannes hispanophones et préhispaniques antérieures, fut une des grandes victoires de la révolution mexicaine du début du 20e siècle, et du mouvement de lutte agraire mené alors par Emiliano Zapata. En 1992, les réformes néolibérales mises en œuvre afin d’intégrer le Mexique au marché de libre-échange nord-américain modifièrent l’article 27 de la constitution définissant les types de propriété des terres, afin de pousser à la progressive privatisation de ces terres collectives, mise en œuvre depuis au Mexique au travers de programmes gouvernementaux tels que le « PROCEDE » (rebaptisé depuis peu « FANAR ») ou le « PRODECOM ».

[2] C’est en 2003 que l’entreprise OHL débute les énormes travaux du circuit extérieur de l’Etat de Mexico, toujours en construction, pour un cout estimé de plus de 22 milliards de pesos. L’entreprise a également été en charge de la reconstruction de l’aéroport de Toluca, capitale de l’Etat de Mexico et second aéroport le plus important du pays, pour un cout de 1,1 milliard de pesos. L’attribution du marché, aux dires de la revue mexicaine Proceso, ne fut pas accidentelle… au conseil d’administration de l’entreprise, figure comme conseiller propriétaire membre du conseil d’administration Emilio Lozoya Austin, en charge durant la campagne présidentielle d’Enrique Peña Nieto de la coordination de rapprochement international, et directeur de la zone « Amérique latine » du Forum Economique mondial de Davos. L’entreprise, qui réalise 90 pour cent de ses bénéfices à l‘international, et tout spécialement au Mexique et au Brésil, est régulièrement accusée de trafic d‘influence et fut l’objet en septembre 2006 de l’attention du parquet anticorruption de Madrid, qui sollicita a l’époque une peine de deux ans de prison contre le président de la multinationale, Juan Miguel Villar Mir.