Les migrations ne constituent pas le flot illimité du Sud vers le Nord que les dirigeants européens présentent généralement. Dans son rapport annuel du 16 juin 2009, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés informe que 80% des migrations sont transfrontalières et les deux premiers continents à recevoir des réfugiés sont l’Afrique et l’Asie. Un chercheur de l’INED précise : « A l’échelle de la planète, 1 personne sur 40 seulement est installée à l’étranger (2.5%) souvent du fait d’un conflit local et de préférence dans un pays limitrophe » (G. Simon, Les migrations internationales in Populations et sociétés n°382, Paris INED, septembre 2002).

Le mythe du travailleur étranger qui piquerait le travail des français mérite lui aussi quelques rappels. La pauvreté matérielle des pays du Sud n’est pas le résultat d’un manque de courage, d’une paresse locale : c’est la conséquence de l’exploitation de ces pays par ceux dits développés. Le FMI et la Banque Mondiale et l’OMC ont participé à la mise en œuvre de ces pillages. Ce qui arrive aujourd’hui en Grèce et dans d’autres pays européens nous montre que les peuples européens ne sont pas à l’abri d’un tel pillage.
Les personnes qui viennent en France contribuent à la vie économique, parce qu’il leur faut comme tout le monde consommer pour vivre. Par là, elles créent de l’activité et donc de l’emploi (pourquoi les études universitaires qui abordent ces questions ne sont-elles jamais évoquées ?). Le problème est dû aux lois qui placent des personnes dans la clandestinité : dans l’impossibilité d’exercer un travail déclaré, elles doivent trouver des ressources par d’autres moyens, et accepter des conditions de travail parfois indécentes. Ce ne sont pas les migrants qui posent problème, c’est la clandestinité dans laquelle on les place.
La politique pratiquée par la France n’est d’ailleurs pas celle du « cas par cas » évoquée dans l’article : ce qui est recherché à chaque nouvelle loi sur l’immigration (5 lois depuis 2003, soit une tous les 2 ans !), c’est la baisse de la délivrance des titres de séjour, la création d’obstacles pour les migrants. A titre d’exemple : depuis le mois de janvier 2012 toute demande de titre de régularisation doit s’accompagner de 110€ non remboursables. Cette nouvelle restriction d’accès aux droits – que les différentes associations militantes sur le droit des étrangers appellent du racket – va freiner les personnes à sortir de la clandestinité. C’est aussi une nouvelle fois source de développement de trafic et de travail illégal. Enfin cela ne va pas aider les personnes victimes des réseaux de prostitutions à en sortir.

« Tous les candidats sont d’accord pour lutter contre l’immigration clandestine ». Ce sont les politiques de fermeture des frontières et de non délivrance de visas qui développent les réseaux d’immigration clandestine. Plus les passeurs doivent développer des ruses pour faire passer les frontières plus ils demandent cher aux candidats au départ. Le candidat du parti socialiste à l’élection présidentielle parle de la création d’une brigade spécialisée pour lutter contre l’immigration clandestine. A quel coût alors qu’il existe déjà une brigade spécialisée : le budget de l’agence Frontex (police de surveillance aux frontières européennes) est passé de 6.2 millions d’euros en 2005 à 87.9 millions d’euros en 2010 (source : revue plein droit du GISTI octobre 2011). Cela représente beaucoup d’argent dépensé à une époque où nos dirigeants ne cessent de parler d’austérité et nous somment de faire des efforts. Néanmoins il est vrai que cette idéologie coûteuse de fermeture oblige à une certaine ouverture : celle qui consiste à signer des contrats de blocage des migrants avec des gouvernements dictatoriaux, tel que celui de Kadhafi au temps qu’il était au pouvoir en Libye.

La notion « d’appel d’air » ne renvoie à aucune réalité tout comme l’expression « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Pour reprendre les propos de Smaïn Laacher sociologue au centre d’étude des mouvements sociaux (CNRS-EHESS) et expert auprès du HCR : « non seulement la France ne l’a jamais fait mais aucun pays du monde n’est en mesure de la faire. Cette expression n’est en rien une analyse, elle ne renvoie à aucune réalité historique, sociologique ou même économique. C’est une formule polémique pour frapper les esprits. Rien de plus rien de moins. » Par ailleurs quand on regarde les pays qui accueillent les colonnes de réfugiés en fuite, la France est bien loin de pendre sa part dans l’accueil des personnes : dans un article du journal Le Monde au sujet de la situation au Mali – paru sur le site internet du journal le 14 mars 2012 – on peut lire que « D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, les réfugiés des derniers combats – essentiellement des Touaregs noirs – seraient près de 20 000 au Burkina Faso, 800 personnes supplémentaires franchissant chaque jour la frontière. On en dénombre également 30 000 au Niger, ce qui menace l’équilibre alimentaire du Nord-Niger, déjà en proie à la disette. Quelques milliers auraient également fui en Mauritanie et en Algérie. A l’intérieur du Mali, 70 000 personnes déplacées souffrent d’un manque d’accès à l’eau potable (pour eux-mêmes) et à des pâturages (pour leurs troupeaux). »
On peut encore citer ici l’attitude la France face aux événements en Lybie : la Tunisie alors elle-même en plein révolution a accueilli plusieurs centaines de milliers d’être humains qui cherchaient une protection. D’autres sont allés en Italie puis ont voulu rejoindre la France qui leur a fermé ses frontières : ils ont alors été arrêté à Vintimille et refoulés en Italie. Qu’est ce que 10 000 personnes supplémentaires sur une population de 65 millions d’habitants ?

L’article du 20 mars se termine en parlant de régularisation « sur la base de critères objectifs ». La définition de critères objectifs mettrait peut-être fin à l’arbitraire des choix préfectoraux. Mais il existe une solution plus simple : légiférer pour faire respecter les droits de chaque être humain, à commencer par ceux énoncés par l’article 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme, dont la France se targue être la défenseuse : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. ». Les décisions que prennent les gouvernants en matière d’immigration ne règlent aucun des problèmes du peuple français. Leur seule conséquence est la condamnation à mort – dans le confort feutré des bureaux et institutions – de milliers de personnes.

Qu’en est-il des notions d’hospitalité, de solidarité internationale et de respect des droits humains dans cette question de la « régulation des flux migratoires » ? Le GASPROM se bat pour la libre circulation et la libre installation de tous et ainsi pour la mise en place d’une politique de l’accueil et de la solidarité.