En y regardant de plus près, vous constaterez que derrière les respectables références à des critiques du capitalisme tels que Noam Chomsky ou Jean Bricmont, ces groupes s’appuient sur les « analyses » de personnages peu ragoûtants : Pierre Hillard, intervenant régulier sur la très maurassienne Radio Courtoisie, Alain Soral, bobo-patriote et Conducateur pour nervis rasés, Dieudonné, prêt à tout pour vendre son ego, Thierry Meyssan, le complotiste grand ami des deux précédents, etc.

Car expliquer l’état du monde par le complot des élites juives et franc-maçonnes est la vieille recette à peine réactualisée des fanatiques de l’autorité et du darwinisme social, ne se proclamant « anticapitalistes » que pour mieux concurrencer leurs adversaires sur leurs propres terres. Sous leurs plumes, le « mondialisme » doit être combattu – tout comme son « complice » l’internationalisme – en ce qu’il mettrait en danger, au choix, nos identités nationales, régionales, raciales.

Récemment, certains partisans de ces théories ont été aperçus lors des manifs devant le dîner du Siècle, vouant aux gémonies le groupe Bilderberg – un club de rencontres entre élites internationales fondé en 1952 – et ces « enculés » de francs-maçons qui « mangent les petits bébés ». Il s’agissait de partisans d’Alain Soral, de membres de We Are Change (un réseau international qui sous couvert de ne pas faire de politique aime beaucoup les sus-cités) mais aussi de nostalgiques de la France éternelle comme le Mouvement d’action sociale (Mas) dont le projet politique conjugue sans vergogne les mots « patrie » et « justice sociale », ou les royalistes du Renouveau français.

Dans le même esprit, Géraldine Feuillien, initiatrice de l’appel à un bankrun, se révèle être une partisane de la peine de mort pour les « petits traffiquants » (sic). Admiratrice de Marine Le Pen, et proche du groupuscule Zeitgeist diffusant un gloubi-boulga conspirationniste et technoscientiste, elle annonce la couleur : « Nous ne sommes pas des anticapitalistes et nous savons bien que le capitalisme a fait des choses formidables à travers le monde notamment en matière de santé. » [1]

Les théories du complot peuvent avoir un effet hypnotique en ce qu’elles semblent expliquer aisément l’état du monde. Mais sous leur apparence logique voire complexe, elles sont en réalité fort sommaires : avec elles, volatilisés les exploiteurs qui « sont en train de remporter la lutte des classes » – pour paraphraser Warren Buffett, magnat de la finance. Elles contribuent à entretenir un confusionnisme politique qui ne profite in fine qu’aux forces les plus réactionnaires. Le révolutionnaire allemand August Bebel expliquait au XIXe siècle que « l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles ». Nous ajouterons : le conspirationnisme est l’anticapitalisme des imbéciles.

Article initialement paru dans CQFD n°84 (décembre 2010).

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