Caméras cachées dans les rames du métro parisien

A Grenoble en mars dernier, des citoyens ont imprimé des tracts appelant au démontage d’une fournée toute neuve de caméras dômes, installées en catimini par le maire PS Michel Destot. Aucune trace dans les décisions du conseil municipal, et pas plus d’information dans la rue pour les passants. Les tracts annonçaient : « Démontons les caméras ».

A Paris, dans les nouvelles rames de la ligne 2, après celles de la ligne 14 et bientôt la ligne 1, des caméras se dissimulent derrière une glace sans tain — et pas loin, le comble, des murs d’écrans plats vont bientôt cracher des publicités. Aucun panneau n’indique la présence de ces yeux électroniques une fois monté à bord — il y a 60 caméras dans une seule rame unique de 5 wagons. Des caméras clandestines car la télésurveillance vidéo sur la voie publique doit faire l’objet d’une information « claire et permanente » auprès des usagers. Moralité : ceux qui prétendent nous “protéger” ne sont parfois que de vulgaires délinquants. Et récidivistes avec ça.
Le décret n°96-926 du 17 octobre 1996

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid…00318

relatif à la vidéosurveillance (loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité) indique en son article 13-1 :

I. – L’information sur l’existence d’un système fixe de vidéosurveillance filmant la voie publique est apportée au moyen de panonceaux comportant un pictogramme représentant une caméra.

II. – L’information sur l’existence d’un système de vidéosurveillance dans les lieux et établissements ouverts au public est apportée au moyen d’affiches ou de panonceaux. Afin de garantir une information claire et permanente des personnes filmées ou susceptibles de l’être, le format, le nombre et la localisation des affiches ou panonceaux sont adaptés à la situation des lieux et établissements.

Ces affiches ou panonceaux indiquent le nom ou la qualité et le numéro de téléphone du responsable auprès duquel toute personne intéressée peut s’adresser pour faire valoir le droit d’accès [aux images] (…).

Alors oui, je ne suis ni juriste ni magistrat. Qu’est-ce qu’une information « claire et permanente » après tout ? Dans l’esprit, on peut imaginer que les caméras doivent absolument pouvoir être distinguées du reste du mobilier urbain. Et comme la nature de cette information doit s’« adapter » à la « situation des lieux », on peut là encore imaginer qu’une rame de métro est un espace assez clos pour informer le public une fois monté à bord. Non ?

Et bien non, aucune information dans les rames. Il y a bien le réglementaire panneau “règles d’usage et de sécurité”, mais là aussi pas un mot des caméras. Et pour les montrer, encore faut-il que l’on puisse les voir. Car les oeilletons de la RATP sont planqués derrière de discrètes vitres fumées, très design mais vitres sans teint. Avec un petit flash d’appoint on s’en rend un peu mieux compte. Il y en a 4 devant chaque porte de la rame : deux couples de “caméras jumelles”, chacune surveillant l’autre, pour trahir d’éventuels vandales… Positionnées à 45° pour scanner l’espace à 180°. C’est Alstom, fabriquant des voitures, qui fournit aussi les caméras : c’est marqué dessus !

Ces nouvelles rames robocops, on les appelle les MF 2000.

http://fr.wikipedia.org/wiki/MF_2000#S.C3.A9curit.C3.A9

Nous savons très ce que vont nous répondre les soldats de la com’ de la RATP. C’est expliqué en novlangue de bois réglementaire dans desdocuments publics :

https://www.vous-et-la-ratp.net/engagements/securite/su…ance/

Pour la RATP, la vidéo protection s’inscrit, depuis longtemps déjà, dans une approche globale de sécurisation des voyageurs et des personnels.

Les subventions de l’Etat, du STIF et de la Région Ile-de-France ont d’ores et déjà permis d’assurer l’équipement de l’intégralité du réseau de surface, grâce à plus de 17 000 caméras embarquées dans les bus et tramways. Sur les réseaux métro et RER, l’objectif initial de 6 500 caméras a été dépassé fin 2008.

Après les rames de la ligne 14, Le MF 2000, nouveau métro de la RATP dont les premières rames sont arrivées dès l’été 2008 sur la ligne 2 et qui équipera la ligne 5 en 2010 et la ligne 9 en 2012, bénéficie également d’un système de vidéo protection. Depuis sa cabine de conduite, le conducteur a la possibilité, au moyen de caméras disposées dans les voitures voyageurs, de détecter immédiatement la moindre anomalie et de faire intervenir éventuellement une équipe de sécurité.

Au vu des résultats de cet équipement dissuasif, la RATP à pris la décision d’équiper l’ensemble des nouveaux matériels.

Pas difficile de deviner le discours de la RATP lorsqu’elle sera interrogée sur ces caméras cachées :

1. Les caméras ne fonctionnent pas encore ! Vous pensez bien, quand ce sera le cas, nous informerons les clients

2. C’est un instrument dissuasif, et cela ne servira qu’au conducteur en cas de blocage des portes ou pour juger s’il doit faire intervenir la sécurité du métro ou la police en cas de problèmes.

3. Il y a déjà des panneaux dans les stations, nous prévenons que les stations et les trains peuvent être filmés.

Oui, en effet, il y a un panneau dans chaque station. Un seul panneau ridicule qui est toujours placé derrière les grilles de la bouche d’entrée, jamais installée frontalement devant les portiques où les usagers ne pourraient pas le manquer. Mais si c’est pour dissuader, pourquoi ne pas l’annoncer plus « clairement » ? Comme c’est d’ailleurs le cas dans les transports publics d’autres capitales européennes, comme Barcelone ou Bruxelles.

EPILOGUE : avec ses magnifiques rames “MF 2000″, la RATP ne met pas seulement son plan “vidéo protection” à exécution, elle respecte le contrat passé voilà quelques années avec Thales : des écrans dans les rames vont balancer infomercials et publicité. Tout ce beau matériel et concept — des yeux pour regarder, et des écrans pour exploiter les cerveaux disponibles — existe grâce à la technologie de Visiowave, une ancienne filiale du groupe… TF1 !

http://bigbrotherawards.eu.org/Societe-Visiowave.html