Au bout de deux jours de grève, des ouvriers de Giardini ([1]) à l’instigation des syndicats, les 3 et 4 février, le syndicat et le parti gauchiste ([2]) qui les contrôlent se sont mis d’accord avec la direction et le gouvernement local de la ville de Mandaue pour arrêter la grève et accepter un ensemble de restrictions.
C’est une nouvelle défaite des ouvriers qui se sont unis pour combattre et défier les lois capitalistes, pour défendre leur travail en pleine crise de surproduction. Pire, le paiement des arriérés de salaires promis va même dépendre de la capacité de l’entreprise de « surmonter » cette crise ([3]).

Après la grève, le syndicat les a conduit à leur première défaite, en leur faisant accepter une rotation des équipes de travail en 3 x 8, mais c’était un piège de la part des capitalistes parce que le véritable objectif de ces derniers est de les chasser, de les mettre à la porte de l’entreprise.

Les leçons de cette défaite

1. Pour résister de façon effective et puissante aux attaques capitalistes – licenciements, intensification de l’exploitation sur les chaînes de travail, mise en chômage partiel – les ouvriers unis doivent refuser les lois du capitalisme qui les empêchent de se lancer dans des grèves et de paralyser la production de l’entreprise. Pendant ces deux journées de grève, les ouvriers de Giardini ont défié les lois capitalistes, en menant une vraie lutte. Les ouvriers combatifs des Philippines dans les années 1970 et 1980 ont fait de nombreuses expériences de défi à la loi dictatoriale et militaire de l’Etat en se lançant dans des grèves.

2. Une grève isolée, comme celle organisée par les syndicats pour les ouvriers de Giardini, les a conduit à la défaite et à se soumettre à ce que voulaient les patrons et le gouvernement. Les ouvriers de Giardini se sont battus en s’opposant aux lois capitalistes. Mais ils ont combattu isolés… et c’est pourquoi ils ont été défaits.

 Les seules luttes véritables aujourd’hui sont les luttes qui s’étendent dans le plus grand nombre possible d’entreprises, comme cela s’est passé dans la grève des ouvriers du textile au Bengladesh en 2006 ou dans la grève massive des ouvriers du textile en Egypte en 2006-2007. Ce n’est qu’avec l’extension de la lutte à de nombreuses usines et entreprises, qu’on peut se protéger des lois anti-ouvrières et de la répression de l’appareil d’Etat.

3. Les ouvriers doivent décider et mener eux-mêmes leur propre lutte, à travers leurs assemblées et comités de grève d’usine ou comités inter-grèves, au moins au niveau d’une ville. Ils doivent lutter en dehors du contrôle syndical ou de tout parti électoral de droite ou de gauche de la bourgeoisie. Les syndicats et les partis électoraux aux Philippines ne sont intéressés que par l’accroissement du nombre de membres de leur syndicat ou par des gains électoraux. Etant donné que la crise économique et politique s’aggrave comme jamais, la concurrence entre eux s’aiguise elle aussi. Une concurrence intense au sein des syndicats de gauche et de droite et des partis électoraux, s’aiguise de plus en plus. Les syndicats et les partis empêchent l’extension et le développement de l’unité des ouvriers parce que cela signifie l’auto-organisation de ces derniers en dehors des syndicats et des partis réformistes. Plus important que tout, les syndicats sont déjà devenus comme ailleurs des appendices de l’Etat pour protéger les intérêts du capital national.

4. Les ouvriers doivent coordonner leur lutte au niveau international et tirer les enseignements des expériences de leurs frères et sœurs de classe des autres pays, notamment dans les pays où les ouvriers ont plus d’expérience de lutte – en Europe de l’Ouest. La solidarité internationale ouvrière est la meilleure arme pour gagner le combat contre l’attaque mondiale des patrons. Le prolétariat des Philippines peut apprendre beaucoup de l’expérience des ouvriers combatifs du monde entier du déclenchement des grèves « illégales » (c’est-à-dire des grèves sauvages), qui se développent de plus en plus aujourd’hui, des réunions massives et des assemblées générales qui sont la principale forme d’organisation dans la lutte.

5. La défaite des ouvriers de Giardini a toutefois apporté des leçons profitables au prolétariat combatif des Philippines pour leurs luttes futures contre le capital national et face aux attaques de la part de leurs patrons. En cela, la lutte des ouvriers de Giardini n’a pas été vaine. Plus que jamais, le mot d’ordre : « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des ouvriers eux-mêmes » reste valable et nécessaire, spécialement à l’époque de la décadence du capitalisme dans laquelle la révolution communiste est déjà à l’ordre du jour de l’histoire.

Internasyonalismo
Organe du CCI aux Philippines

[1]) Giardini del Sole est une entreprise italienne d’exportation de meubles basée à Cebu, Philippines. Elle emploie 485 ouvriers. A cause de la crise mondiale, elle a sacrifié 245 ouvriers en les jetant à la rue et en les laissant mourir de faim.

[2]) Ils sont dirigés par le Parti ng Manggagawa (parti travailliste), parti électoral gauchiste.

[3]) « Le directeur Edmundo Mirasol a exprimé l’espoir que les troubles sociaux seraient bientôt réglés. Mirasol a dit que ce n’est qu’une fois que la compagnie pourrait payer les indemnités de licenciement, que les paiements seraient assurés par l’attribution d’une allocation de chômage » (Source URL : http//www.sunstar.com.ph.cebu/jonas-steps-row-strikers-management-come-deal).