Les manifestations du 29 ont réchauffé les cœurs et galvanisé les troupes.

Dès le lendemain, le conducatore a envoyé sur le front des médias un petit homme déplumé, raymond soubie. Il était en effet important que le peuple sache que le Guide Suprême a un conseiller social, preuve s’il en est que la question lui importe grandement.

C’est donc ce 30 janvier que m’est apparu, tel un oisillon tout juste sorti de sa coquille, ce bonhomme sur le plateau de RTL. Au micro de laquelle il déclare « le président entend la grogne mais nous maintiendrons le cap des réformes ». Court et décrypté, ça donne : « Fuck ». C’est ce même jour que j’ai pris conscience de mon panurgisme de base. Je suivais attentivement les faits de Talonetino et de sa cour. Pas assez ceux de ses éminences grises. Pourtant, ils sont nombreux, ces mandarins qui murmurent à l’oreille … du poney.
Alors qui est ce chétif être, capable d’adresser, tout sourire, un doigt d’honneur au peuple ?

Le Raymond se pose là, comme donneur de leçons sociales. Jeune, ce petit énarque a entendu des voix comme la Bernadette. Celles de l’ultra-libéralisme. A appliquer aux autres. Depuis, sous couvert de social, il flingue tout ce qui ressemble à un acquis, démonte conscieusement ce que l’Etat a mis en place depuis des décennies. Ses idées lumineuses paraissent toujours neuves, alors qu’elles datent à tout le moins. Pensez, il était déjà conseiller social du mari de Bernadette (pas Soubirou, Chirac) lorsque celui était premier ministre … en 1974. Puis celui de Barre en 1976. Les deux Raymond se sont entendus comme larrons en foire, socialement parlant. Et restructureront à la hache la sidérurgie française, laissant des régions totalement exsangues en dégommant des dizaines de milliers d’emplois. Une boucherie inommable. Mais qui permit de créer Arcelor, dont les clés ont été remises à Mittal il y a trois ans. Et qui, pour optimiser sa montagne de bénéfices (10.3 Mds en 2007), liquide tranquillement le reste des employés français, belges et luxembourgeois.
Soubie 1 – Les salariés 0

La France d’en haut lui reconnaît alors le titre de « Tsar du social », véritable as de la négociation. C’est dire à quel point l’élite sanctifie les porcs aux idées sociales vaseuses et à leurs applications dévastatrices. Et oui, ma bonne Michu, la compassion ne paie plus.

Bien, il est expert … reste à monétiser ce « savoir ». Pour ce faire, il ouvre une société, Altedia, en 1992. Evidemment, selon l’adage ultra-libéral du « faites ce que je dis mais pas ce que je fais », de très nombreux contrats proviendront de la puissance publique (et de ses entreprises France Télécom, Air France, Bull, GEC-Alsthom ou Thomson) … à laquelle il veut faire rendre gorge. Le nouveau patron de combat noyaute alors tout ce que la France compte de commissions ou d’observatoires en relation … avec le social ? Oui, c’est le fond de commerce de sa boîte. Le gros du travail est d’aider à la mise en place des plans de licenciements. Vous savez, ce sont ces gens-là qui créent des « antennes-emploi » obligatoires lors des plans massifs, antennes dont tout le monde reconnaît l’inefficience. Elles servent surtout de poudre aux yeux pour le populeux. Lui faire croire à lui et aux pouvoirs publics que son sort importe. Altédia le reconnaît à demi-mot sur son site : étude d’employabilité pour convaincre les acteurs internes et externes de la volonté de l’entreprise de reclasser les personnes en fonction de leurs compétences.

Fillon garde un souvenir ému de la mission qu’il avait confiée en tant que ministre des télécommunication de l’époque à l’expert en 1996 lors de la privatisation de France Telecom : Faire éclater le front syndical et faire accepter par les salariés l’ouverture du capital. Le premier sinistre déclarera à l’époque : « Raymond Soubie a été l’une des clés de notre réussite ». Ne sachant quoi lui offrir, champagne, chocolat ou cigare, fillon confiera à la société du savant la communication de l’offre d’achat d’actions France Télécom réservée au personnel. Merci qui ?

Le retour de la droite au pouvoir en 1995 fait frétiller « Raymond la science ». Il reprend son rôle de Raspoutine du social et conseille en sous-main l’ami Juppé … avec le succès que l’on sait.

En 2005, il refourgue le bébé Altédia à Adecco (leader mondial de l’intérim, créé par Foriel-Destezet qui, fortune faite en monnayant de la précarité, s’est réfugié fiscalement à Londres pour ne pas que l’impôt entame sa pelote de milliards. Encore un magnifique exemple de solidarité et de conscience). Il en retire 60 m€ pour lui. C’est cher payé pour l’accompagnement-égorgement de milliers de salariés. Mais la paix sociale est à ce prix … et il le vaut bien.

Il arrive dans les bagages du petit qui le nomme donc conseiller spécial sur les questions sociales en 2007. Immédiatement, il distille ses vieilles idées éculées et s’attaque en hors-d’œuvre aux régimes spéciaux de retraite. Pendant que sa femme prend le contrôle d’AEF, agence de presse spécialisée dans le social, fond de commerce de la famille soubie (avec l’AP française appartenant à bolloré et l’AFP dont le PDG doit ouvrir le capital à un investisseur extérieur- personnellement, je met un billet sur lagardère, nous voilà bien bordé niveau information). Puis il met en place Pôle Emploi.

Mais deux choses doivent nous effrayer.
D’abord, nos preux syndicalistes sont littéralement amoureux du petit homme. Bien que bernés à chaque négociation, ils ne cessent de l’encenser. Pourquoi ?
Ensuite, son éminence a une idée fixe : dézinguer la Sécu. Il s’appuie pour cela sur le travail d’une commission, dont il s’occupait, chargée d’ examiner la réorganisation du système de santé. Et qui concluait qu’il faut installer les critères de l’assurance privée dans la Sécurité sociale. Pas la peine de chercher bien loin d’où vient cette idée fumeuse. C’est d’un rapport lobbyiste de Groupama, alors actionnaire d’ Altédia …

Le mélange des genres reste une des pierres angulaires de notre pays.