Près d’un demi-siècle de terrorisme
Traduction : Cuba Solidarity Project

La dictature de Batista fut renversée en Janvier 1959 par les guérilleros de
Castro. Au mois de Mars, le Conseil National de Sécurité (acronyme anglais
NSC – ndt) examinait les moyens pour provoquer un changement de régime. En
Mai, la CIA commençait à armer les guérillas à l’intérieur de Cuba. « Au
cours de l’hiver 1959-1960, il y eut un accroissement significatif des
bombardements et incendies supervisés par la CIA et pilotés par les exilés
Cubains » basés aux États-Unis. Inutile d’imaginer ce qu’aurait été la
réaction des États-Unis ou de leurs alliés affrontés à la même situation.
Cependant, Cuba n’a pas riposté par des actions violentes à l’intérieur des
États-Unis, en guise de vengeance ou de représailles. En fait, Cuba a
appliqué la procédure prévue par le Droit International. En Juillet 1960,
Cuba demanda l’aide de l’ONU, en fournissant au Conseil de Sécurité des
rapports sur environ 20 attentats, avec les noms des pilotes,
l’immatriculation des avions, les bombes qui n’avaient pas explosé et
d’autres détails spécifiques, récapitulant les dégâts considérables et les
nombreuses victimes et appelant à la résolution du conflit par des voies
diplomatiques. L’ambassadeur des États-Unis, Henry Cabot Lodge, répondit en
« assurant que les États-Unis n’avaient aucune intention agressive vis-à-vis
de Cuba. » Quatre mois auparavant, au mois de Mars 1960, son gouvernement
avait secrètement et formellement pris la décision de renverser le
gouvernement de Castro, et les préparatifs de l’invasion de la Baie des
Cochons étaient déjà bien avancés.

Washington était préoccupé par le fait que les Cubains puissent tenter de se
défendre. Le chef de la CIA, Allen Dulles, demanda donc à la Grande-Bretagne
de ne pas fournir d’armes à Cuba. Sa « raison principale », selon le rapport
que l’ambassadeur Britannique transmit à Londres, « était que cela pousserait
les Cubains à demander des armes à l’Union Soviétique ou aux pays du bloc
soviétique, » un acte qui aurait « un immense impact », souligna Dulles, et
permettrait à Washington de qualifier Cuba de menace pour le continent,
suivant un scénario qui avait si bien marché au Guatemala. Dulles faisait
allusion à l’écrasement réussi de la première expérience démocratique au
Guatemala, une courte période de dix ans faite d’espoirs et de progrès, que
Washington craignait beaucoup à cause de son soutien populaire immense,
confirmé par les services de renseignement US, et de « l’exemple » que
pouvaient constituer un ensemble de mesures économiques et sociales qui
profitaient à la grande majorité de la population. La menace Soviétique
était régulièrement invoquée comme d’habitude, et même renforcée lorsque le
Guatemala demanda des armes à l’Union Soviétique après que les États-Unis
aient menacé d’attaquer et de couper leurs sources d’approvisionnement. Le
résultat fut un demi-siècle d’horreurs, pire encore que la tyrannie soutenue
par les États-Unis qui avait précédé.

En ce qui concernait Cuba, les plans envisagés par les « colombes » étaient
semblables à ceux de Dulles, directeur de la CIA. Arthur Schlesinger mit en
garde le Président Kennedy sur les « risques politiques et diplomatiques
inévitables » pour un plan d’invasion de Cuba par une armée mercenaire.
Schlesinger proposa de tenter de piéger Castro à commettre une action qui
servirait de prétexte à une invasion. « On pourrait imaginer une opération
clandestine à, disons, Haïti, qui pourrait éventuellement amener Castro à
envoyer quelques hommes là-bas, une opération que nous dénoncerions ensuite
comme une tentative de renverser le régime Haïtien…. la question morale
serait réglée et la campagne anti-étatsunienne serait freinée dès le début. »
Le régime Haïtien en question était celui du dictateur sanguinaire « Papa
Doc » Duvalier, soutenu par les États-Unis (avec quelques réserves). Ainsi,
toute aide fournie aux Haïtiens pour renverser ce régime aurait été
considéré comme un crime.

En Mars 1960, un plan (du Président) Eisenhower prévoyait le renversement de
Castro et son remplacement par un régime « plus dévoué aux véritables
intérêts du peuple Cubain et plus acceptable pour les États-Unis, » y compris
par le soutien à « des opérations militaires dans l’île » et le « développement
d’une force paramilitaire adéquate à l’extérieur de Cuba. » Les services de
renseignement signalaient un fort soutien populaire à Castro, mais c’était
les États-Unis qui devaient déterminer les « véritables intérêts du peuple
Cubain. » Le changement de régime devait se dérouler « de manière à éviter
toute implication visible des États-Unis », en prévision des réactions en
Amérique latine et des problèmes de doctrine qui seraient posés à
l’intérieur.

« OPERATION MANGOOSE »

L’invasion de la Baie des Cochons survint un an plus tard, en Avril 1961,
après l’investiture de Kennedy. Selon le témoignage de Robert McNamara
devant la Commission Church du Sénat, le feu vert fut donné alors que
régnait à la Maison Blanche une ambiance « d’hystérie » autour de Cuba. A la
première réunion du cabinet qui a suivi l’échec de l’invasion, l’atmosphère
était « presque sauvage », nota Chester Bowles : « il y avait une ambiance
presque frénétique pour un nouveau plan d’action. » A une réunion du NSC deux
jours plus tard, Bowles trouva une ambiance « presque aussi émotionnelle » et
fut frappé par « l’absence d’intégrité morale » qui y régnait. Cet état
d’esprit se retrouvait dans les déclarations prononcées publiquement par
Kennedy. « Les sociétés complaisantes, qui ne se refusent rien, qui sont
faibles, sont sur le point d’être balayés avec les débris de l’histoire.
Seuls les forts… pourront survivre, » déclara-t-il au pays, recourant à un
thème qui sera plus tard efficacement repris par les Reaganiens au cours de
leur propre guerre terroriste. Kennedy était conscient que leurs alliés
« pensent que nous sommes légèrement cinglés » au sujet de Cuba, une opinion
qui perdure aujourd’hui.

Kennedy mit en place un embargo impitoyable qui pouvait difficilement être
supporté par un petit pays qui était devenu une « colonie virtuelle » des
États-Unis au cours des soixante années qui ont suivi sa « libération » de
l’Espagne. Il ordonna aussi une intensification de la campagne terroriste :
« Il demanda à son frère, le Ministre de la Justice Robert Kennedy, de
prendre la direction du groupe inter-agence qui supervisait Operation
Mongoose, un programme d’opérations paramilitaires, de guerre économique et
de sabotages qu’il avait lancé en 1961 afin de faire « tomber toutes les
flammes de l’enfer » sur Fidel Castro et, plus prosaïquement, de le
renverser. »

La campagne terroriste n’était « pas de la rigolade », écrit Jorge Dominguez
dans une étude sur des documents récemment déclassifiés et concernant les
opérations clandestines sous la présidence de Kennedy, des documents qui ont
été « fortement expurgés » et qui ne révèlent « que la pointe de l’iceberg »
ajoute Piero Gleijeses.

Operation Mangoose était « la pièce maîtresse de la politique états-unienne
contre Cuba à partir de la fin de 1961 et jusqu’à la crise des missiles en
1962, » écrit Mark White, le programme sur lequel les frères Kennedy avaient
placé « tous leurs espoirs. » Robert Kennedy informa la CIA que le problème
Cubain était « la première priorité du gouvernement américain. Tout le reste
est secondaire. Aucun effort ne doit être négligé, avec les moyens
nécessaires, les hommes nécessaires et le temps qu’il faudra… » pour le
renversement du régime de Castro. Le chef des opérations Mongoose, Edward
Lansdale, établit un calendrier qui débouchait sur « une révolte ouverte et
le renversement du régime communiste » pour le mois d’Octobre 1962. Les
« dernières conclusions » du programme admettaient qu' »une intervention
militaire des États-Unis était nécessaire pour assurer la victoire totale »
après que le terrorisme et la subversion [ et Laurent Fabius et RSF – note
intempestive et anachronique de CSP ] aient préparé le terrain.
L’intervention militaire US était prévue pour Octobre 1962 – c’est alors
qu’éclata la crise des missiles.

Au mois de février 1962, le chef d’état major approuvé un plan plus radical
que celui de Schlesinger : « par des moyens clandestins… faire tomber dans
un piège ou provoquer Castro, ou un subordonné incontrôlable, dans une
réaction hostile contre les États-Unis ; une réaction qui fournirait une
excuse pour les États-Unis non seulement pour riposter mais pour détruire
Castro rapidement, efficacement et avec détermination. » En mars, à la
demande de Cuba Project du département de la défense, le chef d’état major
remit un rapport au Secrétaire à la Défense Robert McNamara soulignant « les
prétextes qui pourraient servir de justification à une intervention
militaire des États-Unis contre Cuba. » Le plan serait mis en oeuvre si « une
révolte interne crédible n’était pas envisageable dans les prochains 9-10
mois, » mais avant que Cuba ne puisse nouer des relations avec la Russie qui
pourraient « impliquer directement l’Union Soviétique ».

Un recours prudent au terrorisme ne devrait pas présenter de risques pour
les auteurs.

Le plan du mois de mars était de monter « toute une série d’événements
apparemment sans rapports les uns avec les autres afin de camoufler
l’objectif ultime et donner l’impression d’une agressivité Cubaine dirigée
vers les États-Unis et d’autres pays, » plaçant ainsi les États-Unis « dans
une position apparente de victime et développer une image internationale de
Cuba comme une menace pour la paix dans le monde occidental. » Parmi les
mesures proposées, on trouve l’explosion d’un navire états-unien dans la
baie de Guantanamo, afin de créer un incident du type « souvenez-vous du
Maine », ensuite la publication par la presse états-unienne d’une liste des
victimes qui « serait utile pour créer une vague nationale d’indignation, »
puis présenter les résultats d’une enquête qui « démontrerait que le navire
fut attaqué », puis la dénonciation d’une « campagne de terrorisme communiste
cubain (en Floride) et ainsi qu’à Washington, » en lançant des raids
incendiaires avec des engins soviétiques sur les champs de canne à sucre des
pays voisins. On proposa aussi d’abattre un avion sans-pilote en le faisant
passer pour un vol charter transportant des étudiants en vacances, et
d’autres plans du même genre – jamais mis en oeuvre mais symptomatique de
l’ambiance « sauvage » et « frénétique » qui régnait.

Le 23 Août, le président signa le décret de Sécurité Nationale numéro 181,
« une directive destinée à provoquer une révolte interne qui serait suivie
par une intervention militaire des États-Unis, » impliquant « des plans
militaires, des mouvements de troupes et de matériel significatifs » très
certainement connu des Cubains et des Soviétiques. De même, au mois d’Août,
les attaques terroristes furent intensifiées, y compris par des mitraillages
sur des hôtels cubains « où résidaient des techniciens militaires
soviétiques, tuant ainsi un certain nombre de Russes et de Cubains »; des
attaques contre des cargos Britanniques et Cubains ; la contamination de
cargaisons de sucre ; et autres atrocités et actes de sabotage, la plupart
exécutés par des organisations d’exilés Cubains qui pouvaient agir au grand
jour en Floride. Quelques semaines plus tard survint « le moment le plus
dangereux pour l’humanité ».

« Un mauvaise presse dans certains pays amis »

Les actions terroristes ont continué pendant les moments les plus tendus de
la crise des missiles. Elles furent officiellement interrompues le 30
Octobre, plusieurs jours après l’accord entre Kennedy et Krouchtov, mais
n’ont jamais réellement cessé. Selon le gouvernement Cubain, le 8 Novembre
« un groupe clandestin de sabotage composé d’exilés Cubains en provenance des
États-Unis a réussi à faire exploser un site industriel Cubain », tuant 400
ouvriers. Raymond Garthoff écrit que « les Soviétiques considéraient
l’attaque comme une tentative de retour en arrière sur ce qui était, à leurs
yeux, la question centrale : les garanties données par les États-Unis de ne
pas attaquer Cuba. » Ces actions et d’autres révèlent, conclut-il, « que le
risque et le danger pour les deux camps était extrême, et qu’une catastrophe
était toujours possible. »

Après la fin de la crise, Kennedy relança la campagne de terrorisme. Dix
jours avant son assassinat, il approuva un plan de la CIA « d’opérations de
destruction » par l’intermédiaire de forces mercenaires « contre les
raffineries de pétrole et les entrepôts, une grande centrale électrique, les
centrales sucrières, les ponts de chemins de fer, les structures portuaires,
et la démolition des quais et des navires. » Le complot pour assassiner
Castro fut initié le jour même de l’assassinat de Kennedy. La campagne fut
annulée en 1965, mais « une des premières mesures prises par Nixon lors de
son accession à la présidence en 1969 fut d’ordonner à la CIA d’intensifier
les opérations clandestines contre Cuba. »

Il est particulièrement intéressant d’examiner comment les planificateurs de
ses actes voyaient les choses.. Dans son étude des documents récemment
déclassifiés sur le terrorisme sous Kennedy, Dominguez fait remarquer que
« dans pratiquement mille pages de documents, un officiel US n’a soulevé
qu’une seule fois une vague objection morale sur le fait que les États-Unis
puissent sponsoriser le terrorisme » : un membre du Conseil National de
Sécurité a suggéré que les Soviétiques pourraient réagir, et des attaques
« qui sont hasardeuses et qui tuent des innocents… pourraient nous attirer
un mauvaise presse dans certains pays amis. » La même attitude se répétait
dans tous débats internes, comme lorsque Robert Kennedy avertit qu’une
invasion de Cuba à grand-échelle « tuerait beaucoup de gens et nous
attirerait beaucoup de critiques ».

Les activités terroristes ont continué sous Nixon, culminant vers le milieu
des années 70 – avec des attaques contre des bateaux de pêche, des
ambassades, des bureaux Cubains à travers le monde, et l’attentat contre un
avion de ligne Cubain qui coûta à la vie aux 73 passagers. Toutes ces
actions terroristes, et celles qui ont suivi, ont été menées à partir du
territoire des États-Unis, bien que le FBI les considérait comme des actes
criminelles.

Et ainsi de suite, tandis que Castro se faisait condamner dans la presse
pour le « maintien d’une armée, malgré les assurances données par Washington
en 1962 de ne pas attaquer l’île. » Apparemment, une promesse aurait du
suffire, malgré les événements qui ont suivi. Sans parler des promesses
précédentes et du degré de confiance qu’on pouvait leur accorder.

30 ans après la crise des missiles, Cuba protesta contre une attaque à la
mitrailleuse contre un hôtel touristique revendiqué par un groupe de Miami.
En 1997, une vague d’attentats à Cuba, qui coûta la vie à un touriste
italien, trouvait sa source à Miami. Les auteurs étaient des criminels
Salvadoriens agissant sous les ordres de Luis Posada Carriles et financés
par Miami. Un des terroristes internationaux les plus connus, Posada venait
de s’évader d’une prison Venezuelienne, où il avait été enfermé pour
l’attentat contre l’avion de ligne Cubain, avec l’aide de Jorge Mas Canosa,
un homme d’affaires de Miami qui dirigeait l’ONG Cuban-American National
Foundation (CANF). [ note de CSP : des représentants de cette « ONG » ont été
récemment reçus par le gouvernement français ] Posada s’évada du Venezuela
et atterrit au Salvador sur la base militaire US de Ilopango où il se remit
au travail sous les ordres d’Oliver North pour organiser des actions
terroristes contre le Nicaragua.

Posada a décrit en détail ses activités terroristes et leur financement par
les exilés cubains et la CANF à Miami, mais se sentait suffisamment protégé
pour ne pas être inquiété par le FBI. Il était un vétéran de la Baie des
Cochons et les opérations qu’il a menées par la suite au Venezuela étaient
dirigées par la CIA. Plus tard, alors qu’il travaillait pour les services
secrets Venezueliens, avec l’aide de la CIA, il fit appel aux services
d’Orlando Bosch, un associé de la CIA qui avait été condamné aux États-Unis
pour une attaque contre un cargo à destination de Cuba, dans le but
d’organiser de nouvelles attaques contre Cuba. Un ancien officiel de la CIA,
au courant du dossier sur l’attentat contre l’avion commercial Cubain,
affirme que Posada et Carriles en étaient les seuls responsables, un acte
que Bosch lui-même justifie comme « un acte légitime de guerre. » Généralement
considéré comme le cerveau de l’attentat contre l’avion de ligne, Bosch
était aussi responsable de trente autres actes de terrorisme, selon le FBI.
Une grâce présidentielle lui fut accordée en 1989 par Bush père après une
intense campagne menée par Jeb Bush et les dirigeants de la communauté
Américano-cubaine en Floride, désavouant ainsi le Ministère de la Justice,
qui avait conclu « qu’il serait préjudiciable pour les États-Unis de libérer
Bosch parce que la sécurité de
cette nation serait affectée dans sa crédibilité à exiger des autres états
qu’ils refusent tout aide et abri aux terroristes ».

Guerre Economique

Les offres cubaines de coopérer et de partager les informations pour
prévenir le terrorisme ont été rejetées par Washington. Mais certaines de
ces informations ont provoqué une réaction des États-Unis. « De hauts
officiels du FBI ont visité Cuba en 1998 pour rencontrer leurs collègues,
qui (leur) ont remis des dossiers sur un réseau de terroristes basé à Miami.
Ces informations avaient été rassemblées en partie par des Cubains infiltrés
dans les groupes d’exilés. » Trois mois plus tard, le FBI arrêta des Cubains
qui avaient infiltré les groupes terroristes basés à Miami. Cinq ont été
condamnés à de longues peines de prison.

[ note de CSP : pour en savoir plus sur les 5 de Miami,
en français : http://www.granma.cu/frances/cinco.html->http://www.granma.cu/frances/cinco.html]

Après la chute du l’Union Soviétique en 1991, le prétexte de Sécurité
Nationale avait désormais perdu toute crédibilité, pour peu qu’elle n’en ait
jamais eue, mais ce ne fut qu’en 1998 que les services de renseignement
déclarèrent officiellement que Cuba ne représentait plus aucune menace pour
la sécurité nationale des États-Unis. Cependant, l’administration Clinton
insista pour qualifier la menace militaire représentée par Cuba de
« négligeable » mais… pas totalement absente. Même avec une telle
qualification, le rapport des services de sécurité concluait à l’absence
d’une menace qui avait été commentée par l’ambassadeur du Mexique en 1961,
lorsqu’il rejeta la proposition de Kennedy d’une action collective contre
Cuba. L’ambassadeur déclara en substance « si nous déclarons publiquement que
Cuba représente une menace pour notre sécurité, 40 millions de Mexicains
vont mourir de rire. »

Il faut pourtant admettre que les missiles à Cuba représentaient bel et bien
une certaine menace. En privé, les frères Kennedy exprimaient leurs craintes
quant à la présence de missiles Russes à Cuba : elles pourraient empêcher
une invasion du Venezuela par les États-Unis. Ainsi « la Baie des Cochons
était justifiée », conclut JFK.

La réaction de la première administration Bush à la disparition officielle
de la menace Cubaine fut de renforcer l’embargo, sous la pression de
Clinton, qui doubla Bush père sur sa droite au cours de la campagne
électorale de 1992. La guerre économique fut renforcée de nouveau en 1996,
provoquant la colère même parmi les plus proches alliés des États-Unis.
L’embargo fut sévèrement critiqué à l’intérieur des États-Unis aussi, dans
la mesure où il portait atteinte aux intérêts des exportateurs et
investisseurs US — qui étaient les seuls victimes de l’embargo
officiellement reconnus ; les Cubains, eux, n’en souffraient pas. Mais les
enquêtes menées par des spécialistes états-uniens démontrent le contraire.
Ainsi, une étude détaillée de « American Association for World Health »
conclut que l’embargo avait des effets négatifs graves pour la santé, et que
seul le remarquable système de santé Cubain avait évité « une catastrophe
humanitaire ». Cette information n’a reçue aucun écho dans la presse
états-unienne.

L’embargo vise aussi les aliments et les médicaments. En 1999,
l’administration Clinton leva ces sanctions pour tous les pays
officiellement désignés comme des « états terroristes », à l’exception de
Cuba, qui devait continuer à subir une punition. Cependant, Cuba n’était pas
le seul pays à recevoir un tel traitement. Après le passage d’un ouragan
dévastateur dans les Caraïbes en août 1980, le Président Carter refusa de
fournir toute aide à la région si l’île de la Grenade devait en bénéficier.
Cette mesure représentait une punition pour des raisons imprécises contre le
gouvernement réformiste de Maurice Bishop. Lorsque les pays ravagés par
l’ouragan refusèrent d’exclure l’île de la Grenade, et n’ayant pas réussi à
percevoir quel était le danger que pouvait représenter cette île minuscule,
Carter refusa toute aide. De même, lorsque le Nicaragua fut frappé par un
ouragan en Octobre 1988, provoquant famine et des dégâts écologiques
considérables, les hommes au pouvoir à Washington ont compris tout le profit
qu’ils pouvaient en tirer pour leur guerre terroriste, et refusèrent toute
aide, y compris pour la côte atlantique du Nicaragua où la population était
favorable aux États-Unis et anti-sandiniste. Il firent de même lorsqu’un
raz-de-marée balaya les villages côtiers Nicaraguayens, provoquant des
centaines de morts et disparus en Septembre 1992. Dans ce cas précis, il y
eut un étalage médiatique autour de l’aide fournie, mais en bas du contrat,
en petits caractères, on pouvait lire que la somme impressionnante de 25.000
dollars d’aide était à déduire sur les aides déjà prévues. On ne manqua pas
de rassurer le Congrès des États-Unis sur le fait que cette aide
impressionnante n’affecterait en rien la suspension de 100 millions de
dollars d’aide décidée parce que le gouvernement du Nicaragua ne faisait pas
fait preuve d’une servilité suffisante.

La guerre économique contre Cuba a été sévèrement condamné dans pratiquement
tous les forums internationaux, et même déclarée illégale par le Commission
Juridique de l’Organisation des États Américains, d’habitude plus
complaisante. L’Union Européenne fit appel à l’Organisation Mondiale du
Commerce pour faire condamner l’embargo. La réponse de l’administration
Clinton fut que « L’Europe est en train de défier ‘trois décennies d’une
politique Américaine vis-à-vis de Cuba qui remonte à l’administration
Kennedy,’ et qui ne vise qu’à provoquer un changement de gouvernement à la
Havane. » L’administration déclara aussi que l’OMC n’avait pas compétence
pour juger une affaire concernant la sécurité nationale des États-Unis ni
pour obliger les États-Unis à changer ses lois. Puis Washington se retira
des débats.

Le succès d’un défi

Les raisons des attaques terroristes internationales contre Cuba et de
l’embargo économique illégal trouvent leurs racines dans l’histoire récente.
Et on ne s’étonnera pas d’y voir un schéma familier – par exemple, le
Guatemala quelques années auparavant.

Pour une simple question de chronologie, il est évident que le facteur
principal ne pouvait être une menace Soviétique. Les plans pour renverser le
régime ont été mis en place avant toute relation significative entre Cuba et
l’Union Soviétique, et la punition fut renforcée lorsque les Soviétiques
disparurent de la scène. Il est vrai que la menace Soviétique se développa,
mais ce fut plus la conséquence que la cause du terrorisme des États-Unis et
de sa guerre économique.

En Juillet 1961, la CIA lança un avertissement : « l’influence étendue du
« castrisme » n’est pas due à la puissance cubaine… l’ombre de Castro plane
parce que les conditions sociales et économiques dans toute l’Amérique
latine favorisent la contestation des autorités au pouvoir et l’agitation
sociale en faveur d’un changement radical, » dont Cuba représentait un
modèle. Auparavant, Arthur Schlesinger avait transmis au nouveau président
Kennedy son Rapport de Mission en Amérique Latine. Ce rapport mettait en
garde contre la possibilité que les latino-américains reprennent à leur
compte « l’idée de Castro selon laquelle ils pouvaient prendre en main leurs
propres destinées. » Le rapport avait identifié un lien avec le Kremlin :
l’Union Soviétique « déploie des ailes, et distribue de larges sommes en
prêts et se présente comme un modèle pour réussir la modernisation en une
seule génération. » Les « idées Castristes » représentent un danger
particulièrement grave, précisa Schlesinger, lorsque « la distribution des
terres et des autres richesses nationales favorisent les classes
possédantes » et que « les pauvres et défavorisés, stimulés par l’exemple de
la révolution Cubaine, exigent à présent de meilleures conditions de vie. »
Kennedy craignait que les Russes ne transforment Cuba en une « vitrine » du
développement et ne renforcent leur influence en Amérique latine.

Au début de 1964, le Policy Planning Council du département d’Etat précisa
ces craintes : « le danger principal avec Castro est l’impact que l’existence
même du régime pourrait avoir sur les mouvements de gauche dans de nombreux
pays d’Amérique latine… Le fait est que si Castro défie les États-Unis
avec succès, cela représenterait une négation pure et simple de toute notre
politique sur le continent depuis 150 ans. » Autrement dit, comme l’écrit
Thomas Paterson, « Cuba, en tant que symbole et réalité, défie l’hégémonie
des États-Unis sur l’Amérique latine. » Le terrorisme international et la
guerre économique sont justifiés non pas par ce que Cuba pourrait faire,
mais par son « existence même », par le « succès de son défi » au maître du
continent. Et le défi peut servir de justification à des actions encore plus
violentes… (…)

Extraits de : « Hegemony or Survival, America’s Quest for Global Dominance » Novembre 2003 http://www.nationinstitute.org/tomdispatch/index.mhtml?pid=1027

Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT « Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains. »