Le printemps revenu, les discussions sur la non-mixité vont bon train. Et à chaque fois que je vois des discussions sur le sujet, je ne peux m’empêcher de penser que cette « méthode » a été introduite chez les anarchistes pour diviser. On en arrive très souvent aux équations « Patriarcat=hommes et dominées= femmes », et le débat s’enflamme ne menant jamais à rien de bien émancipateur, à part les insultes sexistes des uns, des unes et des autres, qui soulagent parfois j’en conviens. L’idée de classe des hommes opprimant une classe des femmes semble issue de la pensée marxiste, victimiste, calquée donc sur la lutte des classe sociales. Et a priori, cette idée vient du féminisme radical, idée qui ne devrait pas être retenue par les anarcha-féministes, dont théoriquement, la stratégie est de se situer en-dehors des luttes de classe pour créer une force indépendante, embryon de la nouvelle société tant désirée…

Comme disait D.Colson à propos du rapport maitre-sse/esclave :
 » L’anarchisme refuse le piège de la dialectique du-de la maître-sse et de l’esclave. Avec Nietzsche, et au sens que ce dernier donne à ces mots, l’anarchisme est toujours et sans hésitation du côté des maître-sse-s et non des esclaves. Le point de vue émancipateur n’est pas un point de vue d’esclave mais un point de vue de maître-sse, lorsque le-la dominé-e, en se libérant radicalement, par la révolte, des liens qui l’assujettissent à une force extérieure affirme une puissance nouvelle, devient son-sa propre maître-sse et brise les limites de la domination. »

« C’est ici et de ce point de vue que l’on peut comprendre pourquoi le mouvement ouvrier libertaire a toujours été, historiquement, aussi radicalement étranger au marxisme (une variante de l’hégélianisme) et de sa conception de la lutte des classes, dans la mesure où il obéit au mouvement de différenciation des fort-e-s et des maître-sse-s dont parle Nietzsche. En effet, dans la conception anarcho-syndicaliste ou syndicaliste révolutionnaire, et contrairement à ce que l’on affirme souvent, la classe ouvrière, considérée du point de vue de son émancipation, n’est pas d’abord ou principalement définie par la lutte des classes, ou par la lutte qui l’oppose à l’Etat et à la bourgeoisie. Sa puissance révolutionnaire dépend essentiellement de sa capacité à se constituer en puissance autonome, indépendante, disposant de tous les services et de toutes les institutions nécessaires à son indépendance…  » Enfin dans le reste du texte de D Colson il est question du séparatisme ouvrier, de sortir de « la tutelle et que la classe ouvrière agisse par elle-même et pour elle-même ». et encore  » Dans cette manière de voir, la lutte des classes n’est pas absente, mais elle n’a plus rien de dialectique, dans un rapport où « la société mourante » dont parle Jean Grave et que le mouvement ouvrier refuse, risque sans cesse d’entraîner celui qui la combat dans une étreinte mortelle et anesthésiante, en l’obligeant à accepter des formes de luttes appartenant à l’ordre que ce mouvement prétend d’abord nier et détruire… « .

Aussi, sur le même principe que l’anarchie exposé dans les extraits « maître/esclave » appliqué à la notion de classes sexuelles. Si l’on considère que la femme tient le rôle de l’exploité-e et l’homme le rôle du « capitaliste » alors l’anarchie ne peut-être que le fait de la classe des femmes. Car c’est à elles et elles seules de s’organiser, comme l’ouvrier-ère anarchiste pour se placer en-dehors de la lutte des classes hommes/femmes, et ainsi créer les conditions de son émancipation directement. Il n’y a aucune place pour les individus pourvus de testicules si l’on adhère à cette vision de lutte des classes sexuelles car on n’imagine pas une société anarchiste avec des patrons (ici la classe des hommes). On en arrive irrémédiablement à une situation de guerre, de ségrégation et ainsi de perpétuation des mécanismes de la domination, bref on arrive loin de l’anarchie.

Et pour paraphraser Colson, il s’agit de se constituer « en puissance autonome et indépendante » du monde patriarcal.

Il me semble important de faire attention donc, ceci s’adresse à tou-te-s les camarades anars, de ne pas propager l’idéologie marxiste et sa pensée binaire, par trop d’usage irréfléchi de la non-mixité qui peut amener une différenciation systématique des individus sur la seule base sexuelle. De plus, la non-mixité pour soutenir des personnes en souffrance, ok ( mais il y a plus encore à en dire), mais pour propagander ces mêmes personnes et profiter de leur faiblesse psychologique, ça pose question sous un angle libertaire (viol de la personne par la propagande : cf Tchakhotine ou encore manipulation mentale et état agentique).

La non-mixité a très certainement sa place et son utilité dans les pratiques sociales dans l’état actuel des choses, mais il semblerait bon de s’attarder un peu sur cette force, indépendante de la très marxiste lutte homme/femme, force que nous devons créer si nous voulons abolir une fois pour toute les classes de tout ordre.