La crise financière actuelle, associée à la hausse des prix des énergies fossiles, voit déjà se reproduire une situation semblable : dans tous les pays du monde, ce qu’on appelle désormais la baisse du pouvoir d’achat (en fait une certaine sécurité et une sortie de la misère) est devenue une préoccupation majeure. Mais c’est bien dans les pays les plus pauvres que les conditions se dégradent le plus, et au sein des populations les plus vulnérables au niveau de chaque nation (logique : entre ne plus pouvoir s’acheter une deuxième paire de chaussures et ne plus réussir à s’alimenter correctement , la marge est énorme). Proportionnellement, le poids de la crise est aussi plus lourdement supportée par les miséreux (n’oublions pas le cadeau fiscal de 15 milliards en France pour les plus riches). Là encore, les tendances en place dans les frontières sont les mêmes qu’entre pays.

Déjà, on voit apparaître des émeutes face à la misère galopante en Haïti, Egypte, Burkina, Cameroun etc. qui viennent s’ajouter aux fléaux des maladies (malaria, SIDA…). Si cette situation dure, c’est l’ensemble des pays les plus pauvres qui va s’appauvrir et où la qualité de la vie déjà pas bien bonne va s’écrouler (c’est déjà le cas dans plusieurs pays, par exemple au Zimbabwe où l’espérance de vie n’atteint pas 40ans).

A cela va s’ajouter dans les années à venir tous les réfugiés « climatiques » (il en existe déjà, par exemple 500000 bangladais de l’île de Bhola en 2005), obligés de se déplacer à cause du réchauffement climatique et des pollutions en masse. Leur nombre pourrait être énorme (peut-être un milliard d’ici le milieu du siècle). Et si les politiques sur l’immigration extrêmement dures des pays occidentaux n’étaient que les prémisses d’une politique plus forte qui viserait à décider qui doit vivre ou mourir ? La théorie du complot, probablement pas tout à fait erronée, mais insuffisante. Reste que face à la probable nouvelle vague migratoire des miséreux et des apatrides privés de leur territoire, la continuité de cette logique nationalisante ne pourra supporter la pression qu’en renforçant considérablement ses mécanismes de répression –déjà intolérables. A moins que ceux-ci ne résistent pas et que cela engage une réflexion de fond sur le sens de la nation et des frontières. Ou disons-le carrément, sur l’abolition de toutes les frontières.

D’un certain sens, les pays riches paient le prix de leurs richesses accaparées, de l’exploitation impérialiste. Les flux migratoires sont parallèles aux capitaux : la misère poursuit la richesse, et il ne peut en être autrement. Le capitalisme a besoin de rebus, de pauvres, ce qui provoque un dualisme tant au niveau national qu’international. Sauf qu’à ce dernier niveau, il n’existe aucune politique sociale pour « sauver les meubles ». Les occidentaux ont colonisé le monde, et continuent aujourd’hui à fixer les règles. Et celles-ci sont à leur avantage. La première des choses serait d’annuler la dette de tous les pays pauvres qui les maintient dans de mauvaises conditions et les oblige à jouer le jeu économique international. La dette totale de ces pays dits du Sud dépassait les 2000 milliards de dollars en 2000, alors que ces pays ont déjà largement fait profiter l’Occident de leurs richesses, dans l’histoire récente comme à l’époque coloniale. Cette annulation n’a même pas avoir avec de la solidarité, mais c’est plus simplement que cette dette n’a pas lieu d’être.

Régler la question de l’immigration implique de revoir les fondements de la politique mondiale (ni exploitation, ni « développementalisme »). La répression restera inefficace tant que ces gens devront partir pour espérer vivre. Et le durcissement des règles d’immigration vont d’autant plus développer la clandestinité. On n’immigre pas par plaisir, mais par nécessité. Les conditions de passage des clandestins démontrent la volonté, souvent mortelle, de ces immigrés. On immigre pour sauver sa vie, tout simplement. Et même parfois la vie de tout un village. Les coquilles de noix qui apportent la « riche misère » et viennent s’échouer sur les bords de l’ « espérance invivable » rappellent l’horreur de notre monde. Les cadavres s’amoncellent. La réalité est plus dure que les discours et les images veulent bien montrer.