La récente initiative présidentielle de confier la notation des ministres du gouvernement à des experts en stratégie constitue un exemple caricatural d’un processus amorcé depuis plusieurs décennies : l’intervention récurrente des experts dans les prises de décisions politiques.

La légitimité savante qui leur est accordée n’est plus interrogée, et les discours qu’ils produisent finissent par normer le débat politique. Ce dernier doit se faire expert s’il veut poursuivre son existence. La construction de la « vérité » politique devient ainsi le fruit d’un jeu assumé entre experts et politiciens.

Comment exister politiquement sans emprunter la logique de ce discours ? La participation du public, souvent revendiquée aujourd’hui, est-elle seulement le moyen d’acheter son silence dans le débat collectif ? De quelles références techniques et intellectuelles les experts tiennent-ils leur légitimité ? Qui gagne à ce jeu-là ?

Que les discours experts écrasent progressivement le politique par le poids d’une légitimité prétendument scientifique n’est pas le seul danger. Ainsi pouvons-nous observer aujourd’hui la colonisation progressive des espaces d’action et de savoir par la seule expertise, qui empêche la remise en cause de ses fondements et la diversité des pensées. C’est pourquoi il nous paraît urgent de pointer ce phénomène pour en permettre la critique.