Quand Sarkozy dit « Chanter la Marseillaise n’est pas ringard. S’émouvoir devant le drapeau tricolore n’est pas démodé. Aimer sa partie n’est pas dépassé. », Arlette Laguiller lui répond tout de go « Non, ce n’est pas ringard, mais elle représente une révolution du passé… de la bourgeoisie… aujourd’hui, c’est une autre révolution qu’il faudrait… Et si une telle révolution se produisait, un autre chant plus humain, plus fraternel devrait remplacer la Marseillaise révolutionnaire et guerrière qui fait dire aux enfants, aux élèves et même aux footballeurs : ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons' ». (Le site d’Arlette Laguiller dans la rubrique Sarko, Royal et compagnie).

Depuis le Manifeste communiste de 1848, le mouvement ouvrier sait que les prolétaires n’ont pas de patrie, , cela est un fait marqué au plus profond de leur identité de classe. Alors quand Arlette s’affiche en 4×3 sur les murs de nos grandes villes pour se demander (comme la reine de Blanche-Neige à son miroir) qui d’autre qu’elle-même « peut sincèrement se dire dans le camp des travailleurs », quoi de plus logique pour la Marianne de Lutte Ouvrière que de hisser (au son du clairon) le pavillon internationaliste comme gage de cette « authenticité » ?

Fort heureusement pour Arlette, les belles paroles ne coûtent rien (raison supplémentaire pour ne pas s’en priver).

Certes, LO a toujours su se débrouiller pour faire mine de protester énergiquement contre les mots d’ordres nationalistes (ceux-là même qui envoient les ouvriers se faire étriper pour des intérêts qui ne concernent finalement que leurs exploiteurs) mais diable qu’il y a loin de la coupe aux lèvres ! C’est en tout cas ce que vient illustrer, fort à propos, l’édito du journal Lutte Ouvrière en date du 28 janvier dans lequel on peut lire : « Depuis 1946, le gouvernement [français] avait dépensé des millions pour mener la sale guerre d’Indochine… En 1954, débutait une autre sale guerre, celle d’Algérie… Alors, il n’y avait pas assez d’argent pour loger les sans logis. Mais ceux qui dirigent le pays ont su en trouver pour créer la « force de frappe », et dépensent toujours des fortunes pour construire [aujourd’hui] un nouveau sous-marin (2,4 milliards d’euros) et un nouveau porte-avions nucléaire. Et pour se défendre contre qui ? Aucun Etat ne menace la France… » (souligné par nous).

Avons-nous bien entendu ? Mais oui, pas de doute, c’est bien ça : si un jour, comme par le passé, un Etat belliqueux venait à menacer l’intégrité de la nation en pointant le bout de ses canons sur les frontières de France, alors là (et seulement là), les dépenses militaires deviendraient justes et légitimes ! « L’internationalisme en temps de paix, oui… pour le reste on peut toujours en discuter. » Et voilà LO fin prête à voter les prochains crédits de guerre au cas où il s’agirait de sauver la patrie en danger comme l’ont fait ses illustres prédécesseurs : les sociaux-chauvins de la Deuxième Internationale en 1914 ou encore (à leur façon) les PC stalinisés se vautrant dans les préparatifs guerriers des années 1930.

Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment… Déjà, au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’ancêtre de LO, le groupe Barta 1 avait copieusement versé dans le registre nationaliste (comme l’ensemble de la IVe Internationale trotskiste d’ailleurs) en braillant aux travailleurs « …vous tous qui n’avez que vos chaînes à perdre et un monde à gagner : EMPECHEZ PAR TOUS LES MOYENS LA MACHINE DE GUERRE IMPERIALISTE DE FONCTIONNER CONTRE L’URSS. » (Vive l’armée rouge, tract rédigé par le groupe Barta le 30 juin 1941).

Encore et toujours la fameuse défense de la « patrie socialiste » ou, dit autrement, des intérêts impérialistes du bastion stalinien et, par ricochet, du camp allié poussant les ouvriers à rejoindre le mouvement de Résistance à l’occupation allemande : « Si vous ne voulez plus être la chair à canon de cette guerre, il faut non seulement résister à Vichy et à l’impérialisme allemand, mais le faire sous votre propre drapeau de classe, le drapeau rouge… Dans les groupes de résistance, dans le maquis, exigez votre armement… » (La Lutte de classe n°24 du 6 février 1944) 2.

Le drapeau rouge dilué… fondu… broyé… ratatiné dans les couleurs des nations capitalistes, voilà de quel « internationalisme » sont faits le groupe Barta et sa fille légitime : Lutte Ouvrière.

Et depuis, dans les différents conflits de l’après-guerre, cette dernière n’aura de cesse de suivre la même logique guerrière et hypocrite en direction des travailleurs, les incitant à choisir un camp impérialiste contre un autre. Particulièrement contre l’impérialisme américain et israélien, les ouvriers seront inlassablement encouragés à préférer la « patrie » palestinienne ou irakienne venant s’inscrire (qui plus est depuis l’effondrement de l’URSS) dans la droite ligne de la politique pro-arabe et anti-américaine de l’impérialisme français.

« Aimer sa patrie », « chanter la Marseillaise » (mais uniquement sur la musique de l’Internationale), « Non, ce n’est pas ringard » pour Arlette Laguiller, à plus forte raison lorsqu’on se trouve (bien au-delà des apparences de façade) pétri d’un nationalisme viscéral.

Azel – Courant Communiste International – www.internationalism.org

1 Voir notre article La véritable origine bourgeoise de « Lutte Ouvrière » dans RI n°343.

2 La Lutte de classe, feuille de propagande publiée par le groupe Barta pendant la Seconde Guerre mondiale.