Le « jeune » est devenu depuis quelques temps le cœur de cible privilégié de la campagne électorale pour les prochaines présidentielles. De Ségolène Royal à Nicolas Sarkosy, chacun sort sa panoplie de meilleur ami de la jeunesse en s’exhibant avec les starlettes (fraîchement recrutées) du moment : Sarko parade avec son Doc Gynéco quand Ségo prend la pose avec le chanteur pop-rock, Cali. Comme le dit Jack Lang, fin connaisseur en la matière, il s’agit d’une véritable opération de « drague vers les jeunes ».

Cela étant, l’engouement pour la fleur de l’âge n’a rien d’une lubie. Attirer la jeunesse dans les filets de l’électoralisme est devenu un objectif majeur de la classe dominante afin de couper court à toutes formes de réflexions portant sur l’avenir que réserve le monde capitaliste.

Ainsi, à côté de l’effort de séduction que fournissent les partis politiques pour racoler le plus grand nombre et en plus de la campagne gouvernementale appelant par voie d’affichage, jusque dans les lycées, au « civisme » électoral, une opération phénoménale est actuellement menée au niveau national à travers la contribution d’artistes à la mode pour appeler les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales et à « aller voter ». Chanteurs, humoristes, acteurs, sportifs, tous les emplumés du show bizz défilent, à la queue leu leu, sur les plateaux de télévision et de radios, des trémolos dans la voix, pour mieux persuader la jeunesse de France (et de Navarre) de la nécessité d’apporter sa pierre à l’édifice démocratique.

Pour donner encore plus d’écho à ce cirque, TF1 n’a pas hésité a financer et à diffuser, du 15 au 31 décembre, une série de mini-films où une ribambelle de « people » se succèdent pour marteler l’idée selon laquelle : « S’inscrire, c’est voter. Voter, c’est exister. » donc « si tu votes pas, t’es mort ! » Admirable syllogisme qui parvient à faire d’une planche pourrie une planche de salut !

Le concours de l’artiste qui farcira de purée électoraliste le plus de jeunes cerveaux est ouvert, et c’est dans la grande famille du rap français que l’on trouve les meilleurs compétiteurs.

Ainsi, Joey Star, ex-leader du groupe NTM, connu pour son radicalisme « anti- système » et ses brutalités en tous genres, appelle « férocement » à voter. Monsieur Morville, de son vrai patronyme, ne reculant devant rien est même allé pousser la chansonnette sur le prime time de la Star Academy pour faire son office de bourrage de crâne : « n’oubliez pas d’aller voter »… « n’oubliez pas de vous inscrire »… « n’oubliez pas d’aller voter »… Le disque devait être rayé ce soir-là !

D’autres, comme Diam’s, nous chante « Ouvre-la »… dans l’isoloir, confirmant par là (et bien malgré elle) ce que nous savions déjà : « Si la dictature, c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours » !

On voit même aujourd’hui l’ancien groupe de rock Trust, célèbre en son temps, reprendre du service pour participer à la grande foire électoraliste. Ainsi, à chacun de ses concerts, s’inscrit en lettres de lumière, au-dessus de la scène, le titre de leur album : « Soulagez-vous dans les urnes. »

Un tel rouleau compresseur lancé contre la conscience des plus jeunes est totalement inédit dans l’histoire des campagnes électorales françaises. Et il ne s’explique pas par le seul besoin des présidentiables de récolter un maximum de suffrages.

Il s’agit avant tout d’une opération de décervelage répondant aux interrogations quant au futur que prépare cette société et qui se développent en profondeur depuis plusieurs années dans toute la classe ouvrière et en particulier dans les rangs de ceux qui formeront les prochaines générations de travailleurs. La mobilisation des lycéens en 2005 et le mouvement des étudiants contre le CPE au printemps dernier ont une signification que la classe dominante a très bien perçue. Tous ces jeunes sont dans un âge où il est normal de se demander « quel sera mon avenir ? », « quel métier vais-je trouver ? », « quels choix professionnels? »…or, les choix qu’offre ce système en crise ne sont guère reluisants. « Précarité à toutes les sauces », voilà le menu affiché par la bourgeoisie.

Dès lors, le risque pour cette dernière est, bien évidemment, que cette foule de questionnements n’aboutissent à une remise en cause de fond en comble de son système.

D’où cette frénésie propagandiste, sollicitant tous les canaux susceptibles de parvenir aux oreilles de ces jeunes, afin qu’ils se soulagent l’esprit de l’idée de lutte en se défoulant dans la cellule capitonnée de l’isoloir.

De plus, au son de la trompette anti-extrême droite et anti-Sarko, on leur répète à satiété qu’il existe, grâce à cette « démarche citoyenne » un espoir : celui de changer l’avenir, qu’ils vont ainsi construire une société « meilleure »… Foutaises !

Les élections sont d’abord le terrain de nos exploiteurs, ceux qui font ce monde tel qu’il est.

Ce monde d’horreurs et de misère ne changera pas par la « magie » du bulletin de vote. Bien au contraire, il n’en sera que mieux consolidé. Seule la lutte de la classe ouvrière porte l’espoir d’une société nouvelle.

Mulan – Courant Communiste International – www.internationalism.org