Traduit par R.P. pour l’AFPS

ASN Bank est la première banque à mettre fin à ses relations avec des sociétés qui tirent profit de l’occupation.

C’est un pas important. Maintenant, il dépend de nous de convaincre d’autres banques et des fonds de pension de suivre cet exemple…Le cas d’ASN Bank montre que le boycott et le désinvestissement peuvent réussir. Les consommateurs mettent leur argent dans les banques, et ils ont le pouvoir d’influer sur leur politique. Ils votent avec leur argent et dans certains cas, ils peuvent faire appel aux standards éthiques de la banque.

Depuis qu’elle a annoncé son intention de participer au projet de construction d’un système de tramways israélien à Jérusalem-Est occupé, Veolia Transport, une multinationale française, a reçu de nombreuses critiques venues du monde entier. Le but de ce réseau de tramways est de relier les colonies illégales de Jérusalem-Est avec les villes et les cités d’Israel [2].

ASN Bank est fondée sur des principes éthiques qu’elle expose de la façon suivante :  » Lorsqu’elle sélectionne ses investissements, ASN Bank, en tant que banque éthique, n’applique pas seulement des critères financiers, mais elle prend aussi en compte des critères sociaux et environnementaux ; ces derniers incluent les Droits Humains. Les résolutions de l’ONU sont un guide important pour ASN Bank lors de l’interprétation pratique des ces critères de Droits Humains » [3].

La banque a autrefois refusé de coopérer avec les sociétés liées de près ou de loin avec l’Afrique du Sud de l’apartheid. Pour inciter ASN Bank à retirer ses fonds de Veolia, des détenteurs de compte qui se sentaient concernés ont unis leurs forces avec celles d’organisations néerlandaises, palestiniennes, israéliennes et internationales.

Cet article expose le déroulement de cette action victorieuse.

Premier contact en mai.

Le 15 mai 2006, ASN Bank a reçu une demande formelle de retrait de ses fonds de Veolia Environnement. Cette demande émanait de quelques personnes et en appelait à l’éthique de la banque ainsi qu’à son histoire anti-apartheid.

Fin mai, la banque a répondu qu’elle allait reconsidérer ses relation avec Veolia après une étude approfondie. Le noyau dur initial a alors envoyé au directeur de la banque les informations pertinentes concernant l’occupation des territoires palestiniens, et l’illégalité du tramway à Jérusalem-Est.

En juillet, un rappel a été envoyé au directeur de la banque, insistant sur l’importance d’une réponse rapide. En réponse, il insista sur le besoin d’une recherche exhaustive et demanda un peu de patience. A ce moment-là, les opérations militaires à Gaza et dans le Liban Sud atteignaient un niveau de violence jamais égalé depuis plus de dix ans, et la patience était difficile à accepter pour le groupe de demandeurs. Il y avait un intense sentiment d’urgence dû à la vitesse accélérée à laquelle Israel créait des faits accomplis avec la construction du mur, avec les colonies et avec les lignes de tramway. Ces inquiétudes lui furent transmises à plusieurs occasions.

A la recherche de partenaires

Bien que le cas de Veolia soit très clair en termes d’arguments éthiques et légaux, cela n’amena pas un changement brutal de la politique d’ASN Bank. Cela poussa à augmenter la pression sur la banque et à identifier de nouveaux partenaires. Deux nouvelles organisations furent alors invitées à rejoindre le noyau dur, l’Organisation des Eglises pour la Coopération et le Développement (ICCO en anglais), une organisation caritative néerlandaise majeure, et l’ONG Une Voix Juive Différente (EAJG en anglais). EAJG avait déjà effectué des pressions auprès de Veolia pour que la société se retire du projet de tramway en écrivant à l’ambassadeur de France et au ministre des affaires étrangères néerlandais. ICCO avait des relations anciennes avec ASN Bank et entretenait des activités au Moyen Orient depuis de nombreuses années. D’autres organisations néerlandaises furent aussi tenues informées de cette action. Il devint clair à ce moment-là que plusieurs organisations étaient prêtes – si nécessaire – à participer à une campagne plus vaste en faveur du retrait d’ ASN Bank de Veolia.

Recherches au sujet de Veolia

Une recherche approfondie sur le groupe Veolia fut alors entreprise afin de mieux comprendre son partenariat dans le projet israélien de tramway,

Cette recherche a servi plusieurs objectifs. Elle a aidé le noyau dur à établir son argumentation en faveur du désinvestissement d’ASB Bank, elle a servi de contribution concrète à l’évaluation de Veolia qu’ASN Bank a fait de son côté, et elle a conduit d’autres militants à poursuivre leurs campagnes pour le retrait de Veolia du projet de tramway. Des sources dignes de foi ont été citées, notamment Public Citizen, une organisation sans but lucratif fondée par Ralph Nader, qui avait critiqué Veolia en raison de « faits de corruption, de promesse non tenues, de dégradation de l’environnement, d’escroquerie sur les prix, d’ opacité, de mauvaise gestion, et de secret ». Deux articles on été publiés à partir des ces recherches en juin et en septembre 2006 [4].

Dans une lettre du 22 mai 2006 envoyée aux militants néerlandais, Veolia prétendait ignorer l’illégalité de la ligne de tramway, alors qu’Amnesty International l’avait déjà rendue publique en France [6].

Ce n’est que récemment que le noyau dur a eu connaissance de la discussion entre le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas et le Président français Jacques Chirac au sujet du partenariat de Veolia, pendant l’été 2005. A ce moment-là, le gouvernement français était actionnaire de Veolia Corporation. En novembre de l’année dernière, une délégation de l’Autorité Palestinienne a rencontré des ministres et des membres du Parlement en France et aux Pays-Bas à ce sujet. Il est donc maintenant clair que l’Autorité Palestinienne a fait part de ses objections au projet de tramway à Jérusalem-Est, officiellement et depuis longtemps.

Les médias et le Parlement

En septembre 2006, ASN Bank a demandé une réunion avec le noyau dur. Elle a proposé une date début novembre, délai que le groupe a dû accepter à regret.

Entre temps, Civils Unis pour la Paix (UCP), une coordination de six organisations néerlandaises agissant dans les domaines de la paix, des droits humains et du développement, ont finalisé un travail de recherche sur les liens entre certaines sociétés néerlandaises et l’occupation israélienne des territoires palestiniens. [6]

Lors du début de cette enquête, des questions avaient été posées au Parlement au sujet de Riwal, une société néerlandaise mouillée dans la construction du mur illégal dans les territoires palestiniens occupés. Des parlementaires avaient demandé l’intervention du ministre des affaires étrangères. La publication du rapport « Profundo » * attira l’attention des médias, et elle donna lieu à de nouveaux débats au Parlement. Tous ces événements ont beaucoup aidé à intensifier la pression sur l’ASN Bank pour qu’elle désinvestisse de Veolia.

La rencontre avec ASN Bank

Afin de convaincre ASN Bank qu’elle n’avait d’autre choix que de changer de politique vi-à-vis de Veolia, le noyau dur mobilisa de nouvelles forces. Des lettres demandant le désinvestissement de Veolia, ou condamnant la participation de Veolia à la construction du tramway furent envoyées par des organisations néerlandaises, israéliennes, palestiniennes et internationales, et par des personnalités éminentes, parmi lesquelles un expert respecté des droits humains et de la loi internationale, ainsi que l’OLP.

Le noyau dur et un représentant de la campagne « Stop the wall » participèrent à la rencontre avec ASN Bank en novembre. Les directeurs de la banque les informèrent alors qu’ils avaient décidé de s’en tenir à leurs principes éthiques, et qu’en conséquence ils allaient cesser toute relation avec Veolia. ASN Bank ne voulait avoir aucune relation avec une société qui tirait bénéfice de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Dans la même ligne, nous espérons que l’ASN Bank va aussi cesser sa coopération avec la compagnie irlandaise Cement Roadstone Holding Plc (CRH). CRH est co-propriétaire du groupe israélien Marshav, le plus gros fournisseur de ciment pour la construction illégale du mur en Cisjordanie. CHR possède aussi 129 centres d’amélioration de l’habitat Gamma et Karwei aux Pays-Bas.

Le message de l’ASN Bank à Veolia

Dans sa correspondance avec Veolia, ASN Bank expose les raisons de son désinvestissement : « L’ensemble de ces informations a convaincu ASN Bank que l’implication de Veolia (dans les territoires occupés, ndlt) lui pose un problème pour l’application de ses critères de Droits Humains. Nous croyons que la participation de Veolia au projet de tramway n’est pas conforme à la demande de l’ONU de stopper tout soutien à l’activité des colonies, et qu’elle n’est donc pas conforme aux critères sociaux de la banque. Etant donné l’implication directe de Veolia (à travers une participation de 5% dans le consortium, et son rôle futur d’opérateur du tramway), notre opinion est que les activités de Veolia à Jerusalem sont en conflit avec les Résolutions de l’ONU. En conséquence, et sur la base de ces informations, Veolia va être exclu de l’univers de nos investissement. » [7]

Chaque kilomètre commence par un petit pas

Le cas d’ASN Bank montre que le boycott et le désinvestissement peuvent réussir. Les consommateurs mettent leur argent dans les banques, et ils ont le pouvoir d’influer sur leur politique. Ils votent avec leur argent et dans certains cas, ils peuvent faire appel aux standards éthiques de la banque. Nous espérons que d’autres fonds d’investissement et de pension vont retirer leurs fonds de Veolia et d’autres sociétés qui profitent de l’occupation des territoires occupés ou qui se rendent complices de violations des droits humains. Des campagnes de ce type auront un impact sur le soutien à la lutte du peuple palestinien pour leur liberté et pour leurs droits.

L’un des contacts palestiniens du noyau dur a envoyé cette réponse :

« Merci beaucoup pour votre message ; il est très encourageant. Ce résultat est une petite lumière dans un tunnel très sombre. Le crime choquant et dégoutant commis aujourd’hui contre des civils de Beit Hanoun (Gaza) et la justification éhontée donnée par les dirigeants israéliens prouve à quel point il est urgent d’éveiller une conscience mondiale bien vivante ».

ASN Bank est la première banque à mettre fin à ses relations avec des sociétés qui tirent profit de l’occupation. C’est un pas important. Maintenant, il dépend de nous de convaincre d’autres banques et des fonds de pension de suivre cet exemple. Ainsi, la banque néerlandaise ABN AMRO a investi dans Caterpillar, le fabricant des bulldozers D9 blindés et lourdement armés utilisés pour la démolition des maisons palestiniennes en tant que punition collective. Alors, qui sera le prochain ?

Adri Nieuwhof est une consultante et militante pour les droits humains qui participa, dans les années 80, à de nombreux projets BDS ** pour le comité hollandais sur l’Afrique de Sud (KZA).
[1] ASN Bank

[2] Stop the Wall Campaign

[3] Letter to Veolia from ASN Bank (20 November 2006)

[4] Isolate Israel – Campaign for justice !, Adri Nieuwhof, Stop the Wall (25 June 2006) and The Israeli Veolia « Connexxion » (13 September 2006)

[5] Amnesty International (France)

[6] Research : Dozens of Dutch companies support or facilitate Israeli occupation of Palestinian and Syrian territories, United Civilians for Peace (16 November 2006)

[7] Letter to Veolia from ASN Bank (20 November 2006)